Le Moyen-Orient a soif. La région est l'une des plus pauvres en eau de la planète. Israël et les Territoires palestiniens ne sont pas en reste. Une pénurie d'eau qui dure depuis quelques années force les gouvernements comme les habitants à revoir leurs façons de faire.

Ibrahim Soukkar est originaire du village de Wadi Foqin, près de Bethléem. Après trois années d'études universitaires en éducation physique, il est retourné sur la terre agricole de son père, faute d'emploi.

Un chapeau de cow-boy vissé sur la tête, il embrasse son champ du regard. Il cultive des concombres, des tomates, des courgettes.

«Avant, on cultivait du maïs, mais ça exige beaucoup d'eau, alors nous avons arrêté, dit-il. Nous cultivons des courgettes maintenant. Ça prend de l'eau seulement une fois par semaine.»

L'eau est une denrée rare. La famille d'Ibrahim possède trois larges bassins pour recueillir la pluie et irriguer les champs. Et quand Dame Nature est moins généreuse, les agriculteurs se tournent vers la société gouvernementale d'Israël, la Mekorot, pour acheter l'eau nécessaire. Une solution parfois coûteuse.

Depuis le début des années 2000, la situation est devenue critique, selon le maire de Wadi Foqin, Ghleb Meserh. «Environ 70% de nos terres sont incultivables, à cause de l'absence de pluie et de la pollution de l'eau», dit-il, accusant les colonies en amont de rejeter leurs eaux usées sur le village.

»Leurs tuyaux coulent»

Depuis quelques années, Israël connaît une grave pénurie d'eau. La pluie est moins fréquente qu'avant dans cette région aride, où la population et les besoins augmentent constamment.

Dans les Territoires palestiniens, le problème est particulièrement criant. Dans un rapport publié l'an dernier, Amnistie internationale a dénoncé l'absence d'accès adéquat à l'eau pour les Palestiniens. L'organisme estime que ceux-ci ont droit à 70 litres d'eau par personne par jour. La consommation des Israéliens serait quatre fois supérieure.

L'Autorité de l'eau israélienne gère la ressource pour l'ensemble du territoire. L'agence gouvernementale estime qu'Israël remplit sa part d'un accord signé en 1995, qui garantit la distribution de plus de 140 millions de mètres cubes d'eau par année en Cisjordanie. Elle jette plutôt le blâme sur l'Autorité palestinienne et sa gestion des ressources. «Ils ne recyclent pas l'eau, leurs tuyaux coulent. S'ils recyclaient l'eau, ils auraient de 30 à 40% d'eau supplémentaire», estime le porte-parole de l'Autorité de l'eau, Uri Schor. «Mais le problème au Moyen-Orient n'est pas seulement dans la division de l'eau, ajoute-t-il. Pour régler le problème, il faut augmenter considérablement la quantité d'eau que nous avons dans la région.»

De l'eau pour la paix?

Pour ce faire, Israël s'est lancé dans une réforme de sa gestion de l'eau il y a quelques années. De vastes campagnes de sensibilisation et des taxes à la surconsommation incitent les citoyens à économiser la précieuse ressource. Les agriculteurs utilisent maintenant des eaux usées traitées pour leurs cultures.

Le pays compte aussi quatre usines de dessalement, dont trois majeures. Et il est question d'en construire davantage.

D'ici 2020, le gouvernement espère traiter suffisamment d'eau pour couvrir tous les besoins domestiques d'Israël et mettre fin à la pénurie.

Cette «production» d'eau pourrait aussi servir aux Palestiniens, estime le professeur à la retraite Hillel Shuval. Le spécialiste de l'eau a travaillé comme conseiller à l'initiative de Genève sur la question. Sa position est simple: avec le dessalement, Israël aura les moyens de donner davantage d'eau aux Palestiniens. Et de faire avancer le processus de paix.

«Entendons-nous bien: nous ne volons pas l'eau aux Palestiniens, souligne le professeur Shuval. Mais je crois qu'Israël devrait augmenter la part d'eau qui leur revient. C'est dans son intérêt. C'est le seul point sur lequel Israël peut se permettre d'être généreux.»

Déjà, Israël donne 50 millions de mètres cubes à la Jordanie chaque année, en vertu d'un accord entre les deux pays signé en 1994.

«Israël ne vit pas dans une île, dit-il. Il doit partager les ressources avec la Syrie, la Jordanie, la Palestine. Pour atteindre un accord de paix, il faut accepter le partage de l'eau.»