La gestion de l'épidémie de grippe H1N1 par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a été critiquée avec virulence vendredi, à la fois par le British Medical Journal (BMJ) et par une commission parlementaire du Conseil de l'Europe.

Selon le BMJ, l'une des principales publications du genre, l'action de l'OMS a été profondément entachée par le secret et les conflits d'intérêts avec l'industrie pharmaceutique.

«L'OMS doit maintenant agir pour rétablir sa crédibilité et l'Europe devrait légiférer» sur les conflits d'intérêts, estime le BMJ au terme d'une enquête réalisée avec le Bureau of Investigative Journalism (BIJ) de Londres.

Sur l'avis de l'OMS, les gouvernements ont stocké de grandes quantités de médicaments antiviraux et acheté pour plusieurs milliards de dollars de vaccins.

Une bonne partie de ces stocks sont restés inutilisés, la pandémie ayant été loin d'être aussi grave que des experts l'avaient craint. Ce qui a alimenté la suspicion sur une influence indue des compagnies pharmaceutiques sur les décisions de l'OMS.

D'après l'enquête du BMJ, les recommandations de l'OMS sur l'utilisation des antiviraux ont été préparées par des experts appointés comme consultants par les fabricants des antiviraux, Roche et GlaxoSmithKline (GSK).

La déclaration officielle de pandémie par l'OMS a de facto fait entrer en vigueur les contrats d'achat de ces vaccins, préalablement passés avec les producteurs.

Pour rétablir sa crédibilité, l'OMS devrait révéler les noms des experts de son Comité d'urgence ainsi que leurs éventuels conflits d'intérêts avec l'industrie, estime Fiona Godlee, rédactrice en chef du BMJ, dans un éditorial.

L'OMS a refusé de les identifier arguant qu'ils devaient être protégés des pressions commerciales. Le BMJ cite le nom de trois de ces experts.

L'indépendance du Groupe de travail scientifique européen sur la grippe (ESWI), financé entièrement par les laboratoires, est de surcroît mise en question par le journal.

Les conclusions du British Medical Journal (BMJ) sont en grande partie corroborées par un rapport de la commission santé de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe adopté vendredi à Paris.

Selon ce rapport présenté par un élu britannique, Paul Flynn (socialiste), «la gravité de la pandémie a été largement surestimée par l'OMS», et des «mesures excessives prises en réponse à ce qui s'est avéré être une grippe d'intensité modérée».

«Cette pandémie n'a jamais vraiment existé», a déclaré M. Flynn au moment de la présentation du rapport.

M. Flynn a lui aussi relevé «l'éventuelle influence de certains groupes pharmaceutiques sur certaines décisions clés» et se dit «inquiet du manque de transparence concernant l'identité des experts dont les recommandations ont eu un impact majeur».

«Les informations communiquées par plusieurs pays européens indiquent que les gouvernements nationaux ont subi des pressions pour accélérer la conclusion de contrats majeurs», en particulier pour l'achat de vaccins, ajoute-t-il.

La directrice de l'OMS Margaret Chan a maintenu jeudi l'alerte pandémique sur la grippe H1N1, émise il y a près d'un an, suivant l'avis de son Comité d'urgence. La pandémie a fait environ 18.000 morts de manière avérée dans le monde.