La Belgique s'est enfoncée jeudi dans la crise politique avec la démission de son gouvernement suite à un conflit entre francophones et Flamands sur les questions linguistiques, et ce à deux mois de la présidence de l'UE que doit assumer le pays.

La situation restait confuse dans l'après-midi car le roi Albert II, dont l'approbation est indispensable, a décidé de réserver sa réponse sur cette démission, mettant en garde contre les risques qu'un tel scénario ferait courir au royaume. «Le Roi tient sa décision en suspens», souligne un communiqué du palais.

Le souverain estime «combien, dans les circonstances actuelles, une crise politique serait inopportune et porterait un grave préjudice d'une part au bien-être économique et social des citoyens et d'autre part au rôle de la Belgique sur le plan européen», ajoute-t-il.

Albert II entend manifestement tenter de trouver une solution pour maintenir le gouvernement sous un forme ou une autre et éviter d'avoir à dissoudre la chambre des députés. Mais rien ne garantit qu'il y parviendra.

En place depuis moins de cinq mois, le gouvernement belge dirigé par Yves Leterme a jeté l'éponge suite au départ d'un parti clé de la coalition au pouvoir, les Libéraux flamands.

Ces derniers ont claqué la porte en raison de l'échec de négociations visant à remettre en cause des droits linguistiques spécifiques dont jouissent les francophones vivant en Flandre, dans la banlieue de Bruxelles.

La Flandre veut les voir pour la plupart disparaître, sauf dans quelques zones bien délimitées, au nom de l'intégrité territoriale et linguistique de sa région. Les francophones exigent de fortes contreparties pour accepter un tel scénario.

Cette question empoisonne la vie politique belge depuis des années et est au centre du conflit sur l'avenir du pays entre les deux grandes communautés du pays, les Flamands néerlandophones, majoritaires (60%) et les francophones de Wallonie et de Bruxelles.

Les premiers réclament une autonomie régionale de plus en plus poussée, voire l'indépendance pour les plus radicaux. Parmi les seconds, certains redoutent le début de la fin de la Belgique créée en 1830.

D'autant qu'à présent les partis flamands, à bout de patience, semblent déterminés à passer en force en faisant voter la suppression des droits de manière unilatérale à la Chambre des députés, où ils détiennent la majorité.

Si le souverain finit par accepter dans quelques jours la démission du gouvernement, la convocation d'élections législatives anticipées courant juin serait inéluctable.

Elles se tiendraient juste avant le début de la présidence belge de l'UE, et alors que les formations flamandes indépendantistes sont en pleine progression dans les sondages: elles représenteraient quelque 40% de l'électorat flamand.

Un petit groupe de nationalistes flamand a manifesté jeudi devant le siège du premier ministre aux cris de «Que la Belgique crève!».

La chute du gouvernement «ne fera gagner en Flandre que ceux qui veulent le séparatisme et la fin du pays», a réagi un dirigeant francophone, Olivier Maingain.

Selon Pierre Vercauteren, politologue à l'université de Mons en Belgique, la situation est sérieuse. «On croit de moins en moins à la survie de la Belgique à moyen ou long terme», a-t-il dit.

Pour Yves Leterme, membre du parti chrétien-démocrate flamand (CDV), il s'agit déjà de sa troisième démission en tant que chef de gouvernement. Une seule à ce jour a été suivie d'effet: fin 2008 en raison d'un scandale lié à la banque Fortis.