Depuis 30 ans, le mantra était le même: bon an, mal an, 500 000 femmes mourraient en donnant naissance à un enfant. Mais depuis cette semaine, les experts mondiaux de la santé féminine mondiale chantent une nouvelle chanson plus gaie qui pourrait s'intituler Les choses s'améliorent. 

Selon une recherche universitaire dont les résultats ont été publiés sur le site du magazine médical britannique The Lancet, les cas de mortalité maternelle ont chuté de 526 300 en 1980 à 342 900 en 2008, une diminution de 35%.

«Ce sont d'excellentes nouvelles, mais nos résultats vont tellement à l'encontre de ce que nous savions auparavant que nous avons fait très attention avant de les publier. Nous les avons vérifiés trois fois», a dit hier à La Presse Christopher J.L. Murray, un des chercheurs principaux.

Avec des collègues de l'Université de Washington et des collaborateurs de l'Université de Brisbane en Australie, M. Murray a tenté d'expliquer le phénomène. Selon leurs résultats, plusieurs facteurs ont contribué à changer la donne, dont la baisse du taux de fertilité, la hausse des revenus moyens, la présence accrue de sages-femmes au moment des accouchements et l'accès grandissant à l'éducation pour les femmes et les filles. Dans les pays où la situation s'est améliorée en ce qui a trait à plusieurs facteurs, les progrès au chapitre de la mortalité maternelle sont marquants.

C'est notamment le cas de l'Inde, a expliqué M. Murray. «La croissance économique soutenue, l'amélioration du système d'éducation pour les filles, l'accès à des hôpitaux pour accoucher et le fait que les femmes donnent en moyenne naissance à 2,6 enfants plutôt qu'à 5 comme il y a 10 ans a eu un grand impact.» En Inde, le taux de mortalité maternelle, qui se chiffrait à 523 morts par 100 000 naissances en 1990, est aujourd'hui réduit de moitié. Dans les pays avoisinants comme le Pakistan et l'Afghanistan, où les progrès concernant la situation des femmes sont moins marqués, les statistiques sont beaucoup moins encourageantes. Avec un taux de mortalité maternelle de 1575, l'Afghanistan se classe bon dernier parmi les 181 pays répertoriés.

Ombre au tableaupour le Canada

L'Afghanistan figure aussi parmi les quatre pays où la mortalité maternelle a gagné du terrain au cours des 30 dernières années. Sur cette liste figurent aussi les États-Unis et... le Canada. Chez nous, le taux de mortalité maternelle est passé de 6 morts pour 100 000 naissances en 1990 à 7. Le recul n'a pas été étudié, mais pourrait être lié notamment au fait que les mères sont de plus en plus âgées au pays. «Le Canada se classe néanmoins parmi les 10 premiers pays avec les plus faibles taux de mortalité maternelle, a soutenu M. Murray. Pour les États-Unis, c'est plus inquiétant. On se retrouve dans le même peloton que les anciennes républiques soviétiques.»

Malgré les progrès que les scientifiques ont observés, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a lancé cette semaine une vaste campagne pour que plus de mères survivent à la naissance de leur enfant. «Le fait est que la mort d'une seule mère, si elle pouvait être évitée, est une mort de trop. Qu'il y en ait encore des centaines de milliers, c'est inacceptable - c'est le XXIe siècle», a dit le numéro un de l'ONU lors d'une conférence. Réduire de 75% les cas de mortalité maternelle d'ici à 2015 est d'ailleurs l'un des cinq objectifs du millénaire de son organisation.

À ce chapitre, Christopher J.L. Murray se fait plus pessimiste. «Nos résultats suggèrent que l'objectif ne sera pas atteint d'ici cinq ans. Est-ce que la barre a été mise trop haut? C'est une question qu'on peut se poser.»