Dans l'ombre du français depuis quelques siècles, le breton n'est parlé aujourd'hui que par 200 000 personnes, dont la moitié ont plus de 75 ans. La survie de la langue, comme celle des autres langues régionales françaises, doit passer notamment par sa présence à la télé. «Au XXIe siècle, une langue qui n'a pas d'expression audiovisuelle est une langue morte», lance au téléphone Olivier Roncin.

Dans sa Bretagne natale, Olivier Roncin a fréquenté la petite école à l'époque où les enfants pris en flagrant délit de parler le breton devaient porter un sabot dans le cou. Aujourd'hui, l'homme est devenu «le premier producteur mondial en langue bretonne» et mettra bientôt au monde une série historique, tournée en breton: Istoriou Brezh (histoires de Bretagne). Elle sera d'ailleurs réalisée par un Québécois... qui ne parle pas un mot de breton.

 

Luc David n'est pas un inconnu en France: il y travaille depuis plusieurs années et a réalisé notamment la version française d'Un gars, une fille. «Les Bretons, comme nous, sont fiers de leur histoire, dit le réalisateur, joint au téléphone à Paris. Ils ont plein de moments historiques qui sont méconnus pour le reste de la France.»

 

Langues en sursis

La France et la communauté européenne ont commencé à se mobiliser dans les dernières années pour protéger ces langues qui ne sont les langues officielles d'aucun pays.

La France métropolitaine compte une bonne vingtaine de langues régionales qui se déclinent en plusieurs dialectes. Outre le breton, l'alsacien (Nord-Est), l'occitan (Sud) et les langues d'oïl (Nord) sont les plus parlées.

Depuis 2008, «les langues régionales appartiennent au patrimoine» de la France, ont statué les parlementaires de l'Hexagone, en modifiant la Constitution nationale.

Mais en décembre dernier, le ministre français de l'Identité nationale, Éric Besson, a enterré un projet de loi qui devait donner un statut légal aux langues régionales. Devant l'assemblée, le ministre a estimé que ce statut légal se heurterait «au principe constitutionnel d'indivisibilité de la République et d'égalité devant la loi».

 

Le temps presse

Les défenseurs des langues régionales ont reçu l'annonce de l'abandon du projet de loi comme une douche froide. Car même pour les langues régionales en meilleure santé, comme le breton, l'aventure d'une production télévisuelle unilingue est complexe.

Il fallait d'abord trouver des comédiens capables de s'exprimer dans un breton satisfaisant, dit Olivier Roncin. Puis, il faut conseiller le réalisateur qui ne comprend pas ce que disent ses comédiens. «Je travaille sur le ton plus que les mots, dit Luc David. Le traducteur nous dit sur quel mot appuyer pour donner l'émotion et corrige le tir au besoin.»

La série, dont le tournage s'achèvera en mai, doit être diffusée à l'automne sur l'antenne régionale de France 3. Luc David espère que la série sera doublée en français (elle sera déjà sous-titrée pour sa diffusion régionale) pour être diffusée dans tout le pays et, pourquoi pas, dans toute la francophonie...

Olivier Roncin, lui, croit que l'idée inspirera les locuteurs marginaux à prendre soin de leur langue. «Victor Hugo disait que les langues mortes sont autant de tombeaux de la pensée humaine. Je ne parle pas breton, mais je vois les traductions avec ses formules, ses modes de pensée propres qui font sa richesse.»

 

 

EN CHIFFRES

Le recensement de 1999 a révélé que 26% des adultes vivant en France avaient couramment pratiqué dans leur enfance une langue autre que le français : principalement l'alsacien (660 000 personnes), l'occitan (610 000), les langues d'oïl (580 000) et le breton (290 000).

Source: Délégation générale à la langue française