La vie politique française comporte parfois des rebondissements surréalistes qui ne jureraient pas dans une relecture déjantée d'Ubu roi.

La garde rapprochée de Nicolas Sarkozy en donne une belle illustration depuis quelques jours: elle cherche à identifier la source des rumeurs d'infidélité au sein du couple présidentiel.

Ces rumeurs, qui circulaient sur le web et dans les salles de rédaction depuis plusieurs semaines, avaient été reprises début mars par plusieurs médias étrangers après avoir été brièvement relayées en ligne par le site du Journal du dimanche.

Les médias français, traditionnellement plus sourcilleux en matière de vie privée que leurs pendants anglo-saxons, étaient demeurés discrets jusque-là à ce sujet, se contentant de sibyllines références.

Ils ont commencé à donner un écho plus important à l'affaire après que le quotidien du dimanche, propriété d'Arnaud Lagardère, proche ami de Nicolas Sarkozy, eut annoncé que deux de ses employés avaient offert leur «démission». L'un d'eux est un jeune homme de 23 ans qui avait mis en ligne la rumeur en question pour créer du «buzz».

Malgré les démissions, le journal a ensuite porté plainte à la police pour retracer exactement comment l'histoire s'était retrouvée en ligne, réagissant aux pressions de l'Élysée qui supputait une manipulation.

La fin de semaine dernière, un proche conseiller du président, Pierre Charon, a publiquement étalé les soupçons de l'Élysée. En entrevue, il s'est demandé, sans préciser sa pensée, s'il y avait eu une «espèce de complot organisé, avec des mouvements financiers».

L'avocat de Nicolas Sarkozy, Thierry Herzog, a abondé dans son sens quelques jours plus tard.

«Je ne peux pas exclure que ce soit une machination ou que certaines personnes, soit par intérêt personnel, soit par intérêt financier -ce qui serait encore plus immoral- aient tenté de déstabiliser le président de la République et son épouse», a-t-il noté.

Les journaux français ont révélé dans la foulée que les enquêteurs de la Direction centrale du renseignement intérieur avaient cherché à identifier les responsables de la rumeur avant que la justice ne s'empare du dossier.

Carla Bruni au front

Pour calmer le jeu, l'Élysée a finalement envoyé au front mercredi l'épouse du président, Carla Bruni, qui a nié l'existence d'un complot et même d'une enquête.

«Je suis venu pour relativiser, pour éviter qu'une affaire qui n'a aucune importance prenne des proportions que je trouve ridicules, insignifiantes», a-t-elle déclaré sur les ondes d'Europe 1. M. Charon, a-t-elle précisé, a parlé avec «l'emportement de l'amitié» au sujet de la provenance possible des rumeurs.

Elle a aussi déclaré, prenant là encore le contrepied de proches du président, que l'ex-ministre de la Justice Rachida Dati, tombée en disgrâce, n'avait rien à voir avec l'affaire.

«L'accusation selon laquelle Rachida Dati est à l'origine de la rumeur est elle-même une rumeur. Et je ne croirai plus aucune rumeur. Les rumeurs sont fausses», a souligné Mme Bruni.

Le quotidien Le Monde, en relatant les grandes lignes de l'histoire mercredi, a souligné qu'elle risquait de «heurter un peu plus une opinion publique qui reproche déjà au président d'avoir désacralisé la fonction».

Une préoccupation partagée par l'Élysée, qui continuait hier de rétropédaler. «Cette affaire est close et d'ailleurs elle n'aurait jamais dû prendre l'importance et l'ampleur qu'elle a prises. Donc, il faut vite sortir de cela, passer à autre chose», a plaidé le porte-parole Luc Chatel.