Le bras de fer qui oppose depuis le 14 mars le premier ministre à des milliers de manifestants a connu lundi un rebondissement judiciaire avec le rejet d'une requête du gouvernement demandant l'évacuation des protestataires qui paralysent depuis 48H un quartier stratégique de Bangkok.

Un tribunal civil, qui avait été saisi par le gouvernement du premier ministre Abhisit Vejjajiva, a estimé que les autorités disposaient déjà d'une loi de sécurité intérieure (ISA) leur permettant notamment de confier aux militaires la conduite des opérations de maintien de l'ordre.

«Il n'est pas nécessaire de demander l'aval du tribunal, car une loi de sécurité intérieure en vigueur peut prendre effet à tout moment», a indiqué un magistrat.

Des dizaines de milliers de «chemises rouges» bloquent depuis deux jours la circulation et l'activité économique autour d'un vaste carrefour où sont établis des hôtels de luxe, des bureaux et de grands centres commerciaux.

Parallèlement à sa procédure au civil, le gouvernement devait aussi demander à une juridiction pénale l'émission de mandats d'arrêts contre les manifestants.

«Ils n'ont pas obéi à l'ordre de quitter les lieux, donc les organisateurs et les manifestants seront poursuivis», a indiqué plus tôt un des porte-parole de M. Abhisit, Panitan Wattanayagorn.

 Les «rouges», qui s'appuient notamment sur les paysans du nord et du nord-est de la Thaïlande, bastion de Thaksin, accusent Abhisit de servir les élites traditionnelles de Bangkok à leurs dépens et exigent son départ immédiat.

Le chef du gouvernement a accepté de négocier des élections anticipées mais pas avant la fin de l'année. La crise, qui est entrée dans sa quatrième semaine, semble plus bloquée que jamais.

Lundi, les cadres de l'opposition ont indiqué que le mouvement désignerait de nouveaux leaders s'ils étaient interpellés. «Il n'y a aucune loi dans le monde qui empêche un individu d'emprunter les routes» de son pays, a déclaré Jatuporn Prompan.

En milieu de journée, quelque 5.000 manifestants se sont rendus devant la Commission électorale, réclamant des informations sur une affaire de versements présumés illégaux de fonds au Parti démocrate, présidé par M. Abhisit.

Certains ont même brièvement pénétré dans l'enceinte. Ils ont quitté les lieux après avoir obtenu l'assurance que l'enquête sur ce dossier, qui pourrait en théorie conduire à la dissolution du Parti démocrate, serait bouclée le 20 avril.

L'opposition réclame le retour à l'ordre constitutionnel en vigueur avant le putsch militaire de 2006 contre Thaksin. L'homme d'affaires vit en exil depuis 2008 pour échapper à une peine de prison pour malversations financières et est accusé par le pouvoir d'instrumentaliser les «rouges» à son profit.

Le mouvement est demeuré pacifique depuis le 14 mars mais le pouvoir craint des dérapages après ceux d'avril 2009 qui avaient fait deux morts et plus de 120 blessés.

Une explosion a détruit une voiture lundi matin près d'un salon de massage appartenant à la famille du ministre du Commerce, dans la banlieue de Bangkok. Une grenade a aussi été lancée dans un parking de Chiang Mai (nord). Aucune victime n'a été déplorée.

Selon la police, ils ont été encore 58.000 dimanche à manifester dans la capitale. Le mouvement cherche à intensifier la pression avant les vacances du nouvel an traditionnel, qui commencent la semaine prochaine et au cours desquelles beaucoup de paysans seront tentés de rentrer chez eux.