Nicolas Sarkozy et Barack Obama se verraient-ils plutôt en concurrents qu'en partenaires? Depuis plus d'un an, les échanges des deux présidents sont l'occasion de piques et de mouvements d'humeur qui ont fini par troubler la sérénité des relations entre leurs deux pays.

C'est presque devenu une habitude. Lorsqu'il est titillé sur ses difficultés, le président français ne dédaigne pas de renvoyer ses contradicteurs à celles de son «ami» américain.

Interrogé en janvier à la télévision sur le vertige que suscite parfois le rythme de ses réformes, Nicolas Sarkozy n'hésite pas un instant. «J'ai vu que M. Obama, pour lequel j'ai de l'estime et même de l'amitié, a tout misé sur une seule réforme (celle de la santé)», répond-il, «je n'ai pas vu que ça rendait les choses plus simples».

Un mois plus tôt, le chef de l'Etat est tout aussi cinglant. «M. Obama, dont je souhaite de toutes mes forces le succès, est au pouvoir depuis un an et il a perdu trois élections», s'amuse-t-il. «Il y a quatre mois, nous avions des élections européennes, nous en sommes sortis vainqueurs... Qu'est-ce qu'on aurait dit si j'avais perdu?»

A ces railleries répétées se sont ajoutés quelques accrocs diplomatiques qui ont troublé l'alchimie entre les deux dirigeants.

Il y eut d'abord la réaction circonspecte de M. Sarkozy, fervent partisan d'un renforcement des sanctions dans le dossier nucléaire iranien, à la main tendue par les Américains à Téhéran. Puis son agacement lorsque M. Obama a suggéré aux Européens d'intégrer la Turquie.

Mais c'est à l'occasion de la visite du locataire de la Maison Blanche sur les plages du Débarquement en 2009 que le malaise a éclaté au grand jour. Au lendemain du 6 juin, Barack Obama refuse une invitation à l'Elysée, y laissant seules sa femme Michelle et ses deux filles.

«Le fait qu'il ait planté Sarkozy en repartant aux Etats-Unis plutôt que de déjeuner avec lui est sans précédent et très révélateur», juge un expert des arcanes diplomatiques, «il ne supporte pas le style de Sarkozy et s'agace de son insistance presque enfantine à s'afficher à ses côtés».

«Le président américain n'a aucune raison de se sentir proche de Nicolas Sarkozy», constate de son côté l'ex-ministre socialiste des Affaires étrangères Hubert Védrine. «D'abord parce que le Français s'est aligné sur son prédécesseur George W. Bush pour des motifs idéologiques. Ensuite parce que la France ou l'Europe ne sont pas pour lui une urgence».

En octobre, le magazine américain Newsweek s'est penché sur ce qu'il a appelé le «complexe Obama de Sarkozy». «Les deux veulent être en première ligne», a tranché l'hebdomadaire, «Obama parce qu'il est président des Etats-Unis et Sarkozy parce qu'il est tellement ambitieux».

Le président français a, lui, nié toute concurrence. «Je sais quelle est ma place», concédait-il il y a six mois. «Je suis le président d'un grand pays, il est le président de la première force économique du monde».

Et à la veille de cette visite, l'Elysée veut faire du dîner privé offert par le couple Obama au couple Sarkozy le point final de la polémique.

«Les irritations rapportées par la presse sont démenties au quotidien dans notre travail et à chaque fois que les présidents se voient ou se parlent, insiste-t-on à Paris, cette visite sera une occasion très particulière de les démentir une fois pour toutes».

D'autant que le climat politique a changé de part et d'autre de l'Atlantique. Et rendu caduques les piques d'antan. Battu au dernier scrutin régional, Nicolas Sarkozy traverse une passe difficile. Alors que Barack Obama a relancé sa présidence en imposant sa réforme de l'assurance maladie.