«La loi ne peut pas précéder les esprits», dit Alassane Maiga, journaliste au quotidien Le Matin qui, comme les autres médias maliens, a combattu le projet de nouveau Code de la famille.

Alassane Maiga se voit pourtant comme un jeune homme moderne. Mais il a l'impression que le débat sur le Code de la famille a été plaqué sur la société malienne par les bailleurs de fonds internationaux. «Cinquante ans après l'indépendance, nous ne sommes pas vraiment autonomes, déplore-t-il. Et ce qu'on veut nous imposer ne correspond pas à nos traditions.»

 

Il est de notoriété publique, au Mali, que le Canada avait appuyé fortement le nouveau Code de la famille. L'ancienne ambassadrice Isabelle Roy en parlait souvent dans ses interventions. Mais cet appui a eu des effets pervers: «Plusieurs ont vu le nouveau code comme un projet de toubabs, de Blancs», dit une militante qui ne veut pas être nommée.

Il faut dire qu'il n'y avait pas que des hommes dans les manifs de l'été dernier. Les femmes sont elles aussi descendues dans la rue. Et pas seulement sous la pression de leur mari. Certains aspects de la réforme font peur aux femmes. La reconnaissance des enfants naturels, par exemple. Dans cette société polygame, à la mort du père, l'héritage est déjà divisé entre les enfants légitimes. S'il faut y ajouter les enfants nés hors mariage, il risque de ne pas rester grand-chose pour la descendance officielle.

La question de la responsabilité familiale fait aussi peur. «Nous, les femmes, nous ne pouvons pas prendre charge de la famille», dit une jeune secrétaire, Aminata.

«Moi, je trouve que si la femme veut contribuer aux charges du ménage, ça ne regarde que le couple», proteste Mariam, étudiante en gestion de 25 ans.

Célibataire, Mariam croit que si les hommes résistent à la réforme, c'est parce qu'ils ont peur de perdre leur pouvoir. Mais elle se sent bien seule avec ses convictions. «La plupart de mes copines rejettent la réforme», confie-t-elle.

«Chez les Maliennes, il y a beaucoup d'indifférence face à ce débat, elles sont trop occupées à survivre», dit Alassane Maiga.

Avant de conclure avec cette pirouette: «Si la France peut interdire la burqa, si la Suisse peut interdire les minarets, nous avons le droit d'affirmer nos propres traditions.» Les débats qui ont cours dans le Nord ont des échos insoupçonnés dans le Sud...