À Bagdad, les habitants ne se souciaient guère vendredi de la déposition de Tony Blair devant la commission d'enquête sur l'Irak, qui arrive trop tard à leur goût, les soldats britanniques ayant déjà quitté le pays et leurs frères d'armes américains s'apprêtant à les suivre.

«Je ne pense pas que ceci mène au moindre résultat car les dégâts ont déjà été commis», affirme Sami Ali Hamidi, 57 ans, un fonctionnaire à la retraite de Sadr City, quartier chiite miséreux du nord de Bagdad réprimé sous le régime de Saddam Hussein. Aucune chaîne irakienne n'a retransmis vendredi la déposition de l'ancien premier ministre britannique qui avait engagé les troupes de son pays au côté de l'armée américaine lors de l'invasion de 2003.

Pour M. Hamidi, la guerre a été lancée pour se débarrasser de l'ancien président Saddam Hussein, exécuté en décembre 2006, ce que M. Blair a nié.

«L'agression contre l'Irak était fondée sur la certitude que nous avions des armes de destruction massive. Mais nous n'en avions pas, ajoute-t-il. Ce fut juste une excuse, fabriquée par (l'ex-président américain George W.) Bush et son laquais Blair, pour chasser Saddam du pouvoir».

Son ami, Abbas Massoud Moussa, 59 ans, estime que le renversement de Saddam Hussein fut une bonne chose pour le pays mais reste critique sur les moyens employés par les États-Unis et la Grande-Bretagne.

«Notre pays se dirige dans la bonne direction pour parvenir à la démocratie mais cela ne justifie pas ce qui s'est passé», assure ce directeur-adjoint d'une école de 400 enfants à Sadr City.

Tony «Blair aurait dû employer un autre moyen. Il aurait dû soutenir les personnes au sein de l'Irak capables de renverser Saddam. L'invasion n'était pas juste», insiste-t-il.

Dans le quartier sunnite d'Azamia (nord), où Saddam Hussein avait fait sa dernière apparition en public, Tony Blair est le dernier des soucis des habitants, les jeunes en particulier.

«Je ne m'occupe que de mon travail. Je ne suis pas les informations», lâche platement Marwan Abdel Razzaq, 21 ans, un marchand de glaces qui a perdu une jambe dans un attentat à la bombe.

Abou Senan, un journalier de 55 ans au chômage, espère lui que Tony Blair sera tenu pour responsable des erreurs commises.

«La guerre a eu lieu alors que nous n'avions pas la capacité de produire des armes de destruction massive. J'espère que les Britanniques ou Blair révèleront enfin au monde qu'ils le savaient», insiste-t-il.

Un ami de Abou Senan, Abou Ala, 62 ans, lui aussi journalier, veut voir Tony Blair dans le box des accusés d'un tribunal.

«Les Britanniques devraient juger Blair devant une cour impartiale pour obtenir des résultats qui soient acceptables. Il devrait être jugé pour les erreurs qu'il a commises car ce fut celles d'un ignorant», assène-t-il.

Devant la commission d'enquête sur l'Irak, Tony Blair a justifié sa décision controversée d'entrer en guerre au côté des Américains contre Saddam Hussein en 2003 par la menace de recours à des armes «terrifiantes» aux mains de «fanatiques».

«Il n'était pas question de prendre le moindre risque. Tout cela devait s'arrêter», a martelé l'ancien premier ministre (de 1997 à 2007).

Dans le quartier commerçant de Karrada, le marchand de téléphones portables Mouaid Fahad, 50 ans, juge que l'enquête n'a pas de sens pour la majorité des Irakiens.

«Cette affaire n'est pas entre nos mains», note cet Irakien, qui ajoute: «et que ce soit Bush ou Blair, leur première et leur dernière option était l'invasion».