Un terroriste repenti peut-il faire de son expérience au sein d'Al-Qaeda la base d'un lucratif commerce?

Il semble que oui, à en juger par le cas de Nasser al-Bahri, un ancien garde du corps d'Oussama Ben Laden qui demande 300$US pour les entrevues qu'il accorde, à la chaîne, à Sanaa.

Lors d'une rencontre fortuite avec La Presse la semaine dernière, le ressortissant yéménite a refusé de répondre à quelques questions en précisant qu'il fallait le payer. Il s'est rapidement éclipsé pour rencontrer un journaliste japonais qui avait, selon lui, accepté de le faire.

 

«Tout le monde me paie», a-t-il assuré lors d'un entretien téléphonique subséquent.

Georges Malbrunot, un journaliste du Figaro qui prépare un livre sur M. al-Bahri, pense qu'il n'y a rien de répréhensible à verser une petite somme - de l'ordre de 100$ - pour ce type d'entrevue.

«Cent dollars, c'est de l'ordre du cadeau. Au-delà, c'est une rétribution. Ça devient de l'industrie», a précisé M. Malbrunot, qui dit n'avoir versé aucune somme de ce type à l'ex-garde du corps. Sa maison d'édition, précise-t-il, a fourni une «avance» à l'ancien garde du corps pour le livre en préparation.

Muhammed al-Kibsi, un journaliste yéménite qui agit comme interprète pour des journalistes étrangers, a indiqué qu'il devait organiser les entrevues avec M. al-Bahri en passant par des fonctionnaires du gouvernement. «Ils me demandent 500$US», a-t-il indiqué.

Il s'est dit étonné d'apprendre que M. al-Bahri demandait 300$US lors des entretiens et a noté avec intérêt son numéro de téléphone dans le but de pouvoir le contacter directement à l'avenir.

Khadija al-Salami, attachée culturelle de l'ambassade du Yémen à Paris, assure que le gouvernement ne s'occupe d'aucune manière des entrevues de M. al-Bahri. L'ancien garde du corps est un «homme d'affaires» qui a bien compris, souligne-t-elle, le profit qu'il pouvait tirer de l'intérêt des médias occidentaux pour Al-Qaeda.

Jason Burke, un journaliste anglais qui a interviewé des dizaines de membres de la nébuleuse terroriste, affirme qu'il n'a jamais payé un sou pour ces entretiens. Et qu'il ne le ferait jamais pour des raisons éthiques et journalistiques.

Aucun militant sérieux ne demanderait de l'argent, souligne M. Burke. Ceux qui le font doivent être considérés comme «peu crédibles», conclut-il.