La crise financière mondiale risque de faire reculer l'éducation dans le monde et d'empêcher des millions d'enfants d'être scolarisés, d'autant que des populations restent durablement marginalisées, selon le rapport 2010 de l'Unesco sur «l'Éducation pour tous» publié mardi.

En 2000, 160 pays se sont fixé pour 2015 l'objectif d'un accès universel à l'enseignement primaire mais «les chances de l'atteindre s'amenuisent» car «le contexte est beaucoup moins positif que ces dernières années», a résumé Kevin Watkins, qui a dirigé l'élaboration du rapport. Dans le monde, 72 millions d'enfants en âge d'être scolarisés dans le primaire ne le sont toujours pas et, si les tendances en cours se confirment, ils seront encore 56 millions en 2015.

Le rapport ne masque pas «les progrès considérables» réalisés dans certains pays pauvres depuis une dizaine d'années, notamment au Bénin, en Ethiopie, en Tanzanie, au Mozambique, au Bangladesh ou encore au Népal, mais il s'inquiète du contexte créé par la crise financière mondiale.

Celle-ci entraîne «ralentissement de la croissance, augmentation de la pauvreté et pression accrue sur les budgets», ce qui pourrait «même venir entamer les progrès réalisés» récemment dans le domaine de l'éducation des enfants en début de scolarité, selon le texte.

Les objectifs à atteindre le seront d'autant plus difficilement qu'il manque 16 milliards de dollars de la part des donateurs et que les gouvernements ont du mal à remédier aux inégalités au sein même de certains pays pauvres en matière d'éducation.

«Le monde ne parviendra à scolariser tous ses enfants qu'en mettant la marginalisation au centre des politiques d'éducation», selon le rapport intitulé «Atteindre les marginalisés».

L'Unesco, organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture, a créé pour la première fois cette année une base de données sur la «misère éducative extrême», mesurée parmi les 17-22 ans qui ont suivi moins de deux années d'enseignement dans leur vie.

La leçon qui en est tirée est que même des pays ayant accompli de grands progrès connaissent encore des populations marginalisées, généralement les filles, pauvres, vivant en milieu rural, et appartenant à des minorités.

Ainsi au Nigeria, les 17-22 ans ont suivi en moyenne sept ans d'enseignement, mais les femmes issues de milieux ruraux pauvres d'ethnie haoussa en ont eu en moyenne moins de six mois.

En Turquie, pays qui a fait de rapides progrès en matière d'éducation, les femmes kurdophones de familles pauvres suivent encore en moyenne trois ans d'enseignement, ce qui les place au même niveau que la moyenne nationale du Tchad.

Pour corriger ces disparités à l'intérieur même des pays, l'Unesco recommande notamment de supprimer tous les types de frais de scolarité, d'inciter financièrement les enseignants à se rendre dans les régions rurales et de lutter contre la pauvreté par des politiques de protection sociale.