Le président français Nicolas Sarkozy était durement attaqué mercredi par l'opposition, au lendemain d'un désaveu cinglant infligé par le Conseil constitutionnel, qui a annulé son projet emblématique de taxe carbone, à deux jours de son entrée en vigueur.

Les Français devaient commencer le 1er janvier à payer cette taxe destinée avant tout à modifier leurs habitudes de consommation, en les incitant à se tourner vers les énergies les moins polluantes. La mesure devait par exemple se traduire par une hausse de 4 centimes d'euro du litre d'essence.

Deux semaines après l'échec du sommet de Copenhague, cette «révolution fiscale», selon les termes de Nicolas Sarkozy, se voulait aussi la démonstration que la France et son président restent à la pointe du combat pour réduire les émissions de gaz CO2.

L'opposition socialiste, à l'origine de la saisine du Conseil constitutionnel, s'est réjouie de la censure d'une taxe «particulièrement injuste», en évoquant, comme sa dirigeante Martine Aubry, un «fiasco» personnel pour le président français.

Le leader centriste François Bayrou, de son côté, a jugé que cet épisode était «est une parfaite illustration de la méthode de Nicolas Sarkozy». «On gouverne par effets d'annonce, sans réfléchir, de manière désordonnée, sans prendre en compte les conséquences, ni même le droit», a-t-il dit mercredi.

Le gouvernement a fait savoir qu'il présenterait le 20 janvier un nouveau texte, car Nicolas Sarkozy reste «très déterminé» à imposer la taxe carbone, a indiqué à l'AFP la secrétaire d'Etat à l'Ecologie, Chantal Jouanno.

Autant que la décision surprise du Conseil constitutionnel, rendue mardi soir, c'est son argumentation qui est particulièrement sévère pour Nicolas Sarkozy et son gouvernement.

Les juges ont estimé que la nouvelle taxe comportait beaucoup trop d'exemptions pour certains secteurs énergétiques et des pans entiers de l'industrie. Ces dispenses sont «contraires à l'objectif de lutte contre le réchauffement climatique», ont-ils asséné.

Cette taxe carbone ne devait viser que la consommation de gaz, de pétrole et de charbon, mais pas l'électricité qui, en France, est très majoritairement d'origine nucléaire. Même minoritaire, l'électricité fournie par des centrales thermiques était épargnée par le projet gouvernemental.

Le Conseil constitutionnel a estimé que «moins de la moitié des émissions de gaz à effet de serre aurait été soumise à la contribution carbone» et que «93% des émissions d'origine industrielle, hors carburant» n'auraient pas été taxées. Il se serait agi, selon lui, d'une rupture du principe d'égalité devant l'impôt.

L'objectif de la taxe n'était pas de remplir les caisses de l'Etat, jurait le gouvernement, qui assurait que la nouvelle recette fiscale serait intégralement restituée aux ménages et aux entreprises, par le biais d'une baisse de l'impôt ou d'un chèque pour les foyers non-imposés.

Le système devait ainsi favoriser ceux qui auraient le moins utilisé d'énergies polluantes, puisqu'ils auraient payé moins de taxe carbone tout en bénéficiant de compensations fixées forfaitairement.

Le parti présidentiel UMP a regretté cette censure constitutionnelle. «Au moment où la France montrait l'exemple dans le monde d'une fiscalité pénalisant la pollution plutôt que le travail, les socialistes se sont battus pour faire annuler une réforme qui symbolisait un progrès pour notre société», a déclaré son porte-parole, Frédéric Lefebvre.

Mais cette réforme, inspirée d'un modèle suédois opérationnel depuis 18 ans, avait suscité des critiques aussi bien dans l'opposition que dans la majorité, où beaucoup redoutaient les effets électoraux d'une nouvelle taxe. Les écologistes en avaient, de leur côté, critiqué le manque d'ambition.