Un tribunal de Buenos Aires a ouvert la voie aux mariages homosexuels dans la capitale argentine en autorisant vendredi un couple de deux hommes à se marier, une première en Amérique latine, la plus grande région catholique au monde.

La juge Gabriela Seijas du tribunal d'instruction numéro 15 du contentieux administratif a ordonné aux officiers du registre d'état-civil de la capitale argentine de célébrer le mariage d'Alejandro Freyre, 39 ans, et de José Maria Di Bello, 41 ans, auxquels une date de mariage avait été refusée en raison de leur sexe.

Ils avaient porté plainte en avril.

«Nous sommes très contents, émus, mais nous sentons aussi le poids d'une très grande responsabilité parce que ce n'est pas seulement nous qui sommes concernés, c'est un encouragement à l'égalité juridique en Argentine et dans le reste de l'Amérique latine», a dit à l'AFP M. Di Bello.

La ville de Buenos Aires, connue pour sa «movida gay», est pionnière en Amérique latine. Elle avait déjà été la première de la région, fin 2002, à autoriser des unions civiles entre homosexuels qui permettent entre autres de toucher une retraite en cas de veuvage. La ville de Villa Carlos Paz (nord) et la province Rio Negro (sud) ont suivi.

Dans le reste de l'Amérique latine, la ville de Mexico, l'État mexicain de Coahuila et l'État brésilien du Rio Grande do Sul permettent ces unions.

L'Uruguay a été le premier pays de la région à légaliser les unions civiles homosexuelles, fin 2007. La Cour constitutionnelle colombienne a reconnu en janvier 2009 une série de droits aux couples du même sexe, dont les droits à la protection sociale.

Aucun pays n'autorise le «mariage» entre deux personnes du même sexe.

La juge argentine a considéré que «la loi doit traiter tout le monde avec le même respect selon leurs singularités», et a déclaré inconstitutionnels deux articles du code civil dont l'un (172) mentionne le consentement nécessaire entre «un homme» et «une femme».

«Changer les mots homme et femme par le mot contractant est tout ce qu'il y a à faire», a dit M. Di Bello qui, comme son conjoint, est séropositif.

Dans un pays qui se déclare à 91% catholique et où la hiérarchie de l'église est très influente, l'évêque catholique Baldemoro Martini a estimé que «les unions du même sexe ne contribuent pas au bien commun, elles le mettent sérieusement en péril».

Cette décision de premier degré peut être cassée en cas d'appel. Mais le maire de Buenos Aires, Mauricio Macri , a déclaré à la presse que pour sa part son gouvernement n'allait pas faire appel. «Le monde va dans cette direction», selon lui.

Plusieurs associations homosexuelles en Amérique latine ont réagi. «Je suis très heureux et je m'associe au sentiment des gays argentins, qui ont été réprimés pendant beaucoup d'années», a dit à l'AFP Marcelo Cerqueira, le président du groupe Gay de Bahia, un des plus actifs du Brésil.

«Nous au Brésil, nous avons aucune expectative, ni à court, ni à moyen, ni à long terme», de voir un mariage entre deux personnes du même sexe autorisé dans le géant d'Amérique latine, a-t-il ajouté.

Le verdict du tribunal de Buenos Aires «est incroyablement courageux, nous ne nous y attendions pas», a reconnu M. Di Bello, qui est tombé dans les bras de son compagnon en apprenant le verdict. Il pense que la décision de justice devrait relancer un projet de loi de mariage gay, actuellement en discussion à la chambre des députés en Argentine.

La juge Seijas a relevé que «ces dernières années plus d'une dizaine de pays ont modifié leur législation pour permettre aux couples du même sexe» de se marier, citant la Belgique, l'Espagne, le Canada, l'Afrique du Sud et la Norvège.