Le procès pour terrorisme du Zimbabwéen Roy Bennett, proche du premier ministre Morgan Tsvangirai, empoisonne les relations entre le président Mugabe et le premier ministre. La stabilité du gouvernement de coalition dépend du sort de Roy Bennett.

Avec lui, c'est noir ou blanc! Roy Bennett est comme cela. Avec lui, pas de concessions. Parce que compromis rime avec compromission. Ses cheveux blancs et son visage rond lui donnent un air bonhomme. Mais l'ancien fermier blanc zimbabwéen est l'un des plus virulents opposants au président Robert Mugabe.

 

Élu au Parlement en 2000, devenu trésorier du Mouvement pour le changement démocratique (MDC) en 2007, Roy Bennett devait occuper le poste de ministre de l'Agriculture dans le gouvernement d'union nationale du premier ministre Morgan Tsvangirai, dont il est proche, dès le mois de février. De sa personne émanent la combativité, la ténacité, la brutalité d'un militant. Pourtant, rien ne le destinait à mener une carrière politique.

Né le 16 février 1957 à Bulawayo, au sud-ouest de la capitale Harare, Roy Bennett a grandi un peu plus loin, à la campagne, pêchant et chassant à loisir avec ses petits camarades.

Celui que les Zimbabwéens surnomment affectueusement «le Padechu» (entre nous) a appris à batailler. Le représentant à l'Assemblée de la région de Chimanimani, située à l'est du pays, ne mâche pas ses mots.

Du Parlement à la prison

En 2004, Roy Bennett s'en prend au ministre de la Justice Patrick Chinamasa, appartenant au Zanu-PF, parti de Mugabe, au sujet de la redistribution des terres. Le ministre Chinamasa traite les fermiers blancs de «voleurs et de meurtriers» ayant profité du système colonial britannique pour arracher les terres des Zimbabwéens noirs. «Vous commencez à m'énerver! Vous pensez que je vais vous laisser vous en tirer comme ça?» s'insurge Bennett en shona, une langue locale.

Impulsif, il pousse le ministre à terre. Un geste qui lui coûtera cher: il est condamné à 15 mois de prison. Mais l'ancien militaire de l'armée rhodésienne sait parfois se tenir. Il est libéré après huit mois passés dans les geôles zimbabwéennes en raison de sa bonne conduite.

À sa sortie en 2005, il est méconnaissable. Le visage émacié, il a perdu 15 kg. Très remonté, il dénonce les conditions de vie déplorables des prisonniers. J'ai vécu «l'enfer vivant, raconte-t-il. Je ne me reposerai pas avant que le sort des détenus ne s'améliore». Le militant gagne en popularité.

L'exil, puis le retour

Peut-être est-il trop encombrant pour le parti au pouvoir? En 2006, il est poursuivi par la justice de son pays. Ce qu'on lui reproche? Sa supposée implication dans un complot visant à renverser le président Mugabe. Bennett se réfugie alors en Afrique du Sud. Sa famille, qui avait déjà été agressée, le suit dans son exil. Endurant, l'ancien champion de polo ne se retire pas de la vie politique zimbabwéenne. Il continue d'occuper le poste de trésorier du MDC.

De retour au Zimbabwe en 2009, il est nommé vice-ministre de l'Agriculture. Nouveau coup du sort: il est arrêté le 13 février, pour terrorisme, sabotage et banditisme avant de prêter serment. Un moyen pour les tenants de la ligne dure du Zanu-PF d'éloigner l'ancien fermier blanc, diront ses partisans. Bennett est libéré sous caution au début du mois de mars. Sa courte incarcération en octobre suscite la colère de nombreux Zimbabwéens.

Qu'importe son obstination, son immodération, Roy Bennett est populaire. À mille lieues de l'image du propriétaire terrien blanc, son personnage plaît. Parce qu'il «était et est encore l'aiguillon qui pousse Morgan Tsvangirai à plus de radicalité», explique Anne Dissez, journaliste spécialiste de l'Afrique australe, en réponse à notre courriel.

Et aussi parce qu'il est proche de la population. Alors, noir ou blanc, Roy Bennett? «Il parle couramment shona, s'exprime avec les gesticulations des Noirs, a constaté la radio locale Nehanda, dans un article consacré à l'homme politique. Bennett donne l'impression d'un homme noir piégé dans le corps d'un Blanc.»