La campagne actuelle de sensibilisation à la grippe A (H1N1) en France risque-t-elle de «rendre fous» les citoyens de l'Hexagone? La question a été posée publiquement alors que des gestes quotidiens comme la bise sont maintenant proscrits. Et parfois remplacés par des coeurs en papier.

Le virus de la grippe A (H1N1) fait peur en France, au point de compromettre des pratiques culturelles apparemment immuables comme la bise.

 

C'est le cas notamment à l'école maternelle Jean-Le Brun, à Guilvinec, où la direction a décidé d'interdire aux enfants cette salutation rituelle dans l'espoir de limiter les risques de contagion.

«On a mis en place un système de boîtes à bisous. Les enfants, plutôt que de faire la bise à leurs instituteurs ou leurs petits copains, leur donnent des petits coeurs en papier», a expliqué hier à La Presse une adjointe administrative de l'établissement, Brigitte Le Goff.

«Nous leur faisons aussi préparer des coffrets à bisous qu'ils vont pouvoir mettre dans leurs casiers», a ajouté la porte-parole, qui dit avoir obtenu une excellente collaboration des élèves.

Bien qu'elle n'ait pas connu de large écho dans le réseau d'éducation national, l'initiative de Guilvinec reflète les précautions prises par plusieurs entreprises du secteur privé, qui mettent en garde leurs employés contre les contacts «inutiles».

C'est le cas notamment de la firme d'assurances Axa, qui a mis en place une ligne téléphonique pour que les salariés puissent s'informer sur la maladie et les comportements à éviter.

Dans les rencontres publiques, il est désormais courant d'éviter la bise. Une journaliste rapporte que lors d'une récente conférence de presse, ses collègues se saluaient par un léger hochement de tête à la japonaise.

Ces marques de prudence, justifiées ou pas, dépriment le journaliste Pascal Riché, du site Rue89, qui ironise sur le fait que les «êtres humains ne se rendaient pas compte jusque-là des risques qu'ils prenaient en se touchant». «La campagne actuelle (de sensibilisation) risque de nous rendre fous. Dans les entreprises, on commande des masques par dizaines de milliers... On surnettoie les poignées de porte, on espace les chaises dans les cantines, on barbote dans le gel hydroalcoolique, on se lingette, on se virucide, on s'aseptise», déplore-t-il.

Mutation dangereuse?

Les médias alimentent largement les préoccupations de la population en multipliant les reportages sur le virus, qui a fait moins d'une demi-douzaine de morts dans l'Hexagone jusqu'à maintenant. Le quotidien Le Parisien, commentant le «choc» causé par la mort «foudroyante» d'un homme d'une trentaine d'années qui n'avait aucune maladie connue avant de contracter le virus, souligne dans un récent numéro que «personne n'est à l'abri».

Le Monde, plus posé, met en opposition deux chercheurs qui ne s'entendent pas sur les risques que pose le virus. L'un parle d'une grippe «unique» qui aurait peut-être connu récemment une mutation dangereuse. L'autre rappelle que la mortalité liée au virus reste sensiblement inférieure à celle de la grippe saisonnière.

 

Thibodeau, MarcLe vaccin inquiète

En France, le débat s'étend aussi à la campagne de vaccination qu'entend lancer sous peu le gouvernement pour tenter d'endiguer la progression du virus. Dans une lettre ouverte, une députée européenne écologiste, Michèle Rivasi, s'inquiète des effets secondaires potentiels du vaccin qui sera utilisé et somme la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, de ne pas se «précipiter» dans ce dossier. Mme Bachelot précise pour sa part que le vaccin ne pose aucun risque et écarte les critiques qui l'accusent d'apeurer les Français en multipliant les mises en garde.