Habituellement, pour une famille qui fuit la guerre, la vue d'un camp de réfugiés et ses tentes alignées n'est pas synonyme de confort, mais au moins d'un moment de répit, loin des bombes. Au Sri Lanka, les camps de réfugiés, où s'entassent quelque 290 000 personnes malgré la fin du conflit armé il y a quatre mois, évoquent une tout autre réalité: la prison.

Affirmant que des membres des Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE) se cachent parmi les civils presque exclusivement issus de la minorité tamoule, les autorités sri lankaises ont bouclé les camps de réfugiés.

 

Le gouvernement du pays, contrôlé par la majorité cinghalaise bouddhiste, dit y mener une opération de triage pour distinguer les véritables déplacés de la guerre des anciens combattants de l'organisation séparatiste armée que l'armée sri lankaise a défait sur les champs de bataille après 25 ans de confrontation.

Les déplacés ne peuvent quitter les camps, où l'on rapporte des problèmes de ravitaillement en eau, en nourriture et en soins médicaux. Ils se sont vu confisquer leurs téléphones. Les visites d'organismes humanitaires ou des rares proches qui réussissent à entrer dans les camps de réfugiés, se font sous la supervision d'hommes armés, déplorent plusieurs organisations, dont Amnistie internationale, qui a récemment publié un rapport intitulé Débarrez les camps au Sri Lanka.

«Ils n'ont pas la permission de quitter. Dans les faits, ils sont détenus sans avoir été accusés ou avoir subi un procès. Ceci est une violation par le Sri Lanka du droit international, qui interdit la détention arbitraire», peut-on lire dans les commentaires d'introduction.

Cette semaine, c'était au tour du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon de sonner l'alarme. Le no 1 de l'ONU a appelé le président du Sri Lanka, Mahinda Rajapakse, pour lui faire part de son inquiétude à l'égard des conditions sanitaires dans les camps et de la lenteur du processus de réintégration des déplacés.

Le bras droit politique de M. Ban, Lynn Pascoe, doit arriver au Sri Lanka ce matin pour y visiter les camps. «Il y a tout un éventail de questions en matière de droits humains qui doivent aussi être discutées», a dit M. Pascoe lors d'une conférence de presse. Plusieurs demandent la tenue d'une enquête de l'ONU sur les crimes de guerre perpétrés par les forces sri lankaises et les Tigres tamouls au cours du conflit qui vient de se terminer et qui a fait près de 100 000 morts, dont 7000 entre janvier et mai 2009. À ce jour, 2000 personnes sont toujours portées disparues.

Chantage et marchandage

Malgré les efforts du gouvernement sri lankais pour garder les déplacés tamouls incommunicado au cours des derniers mois, plusieurs histoires ont réussi à traverser l'océan pour atterrir à Montréal, où vivent près de 10 000 Tamouls. «Ceux qui viennent nous voir racontent qu'ils peuvent faire sortir des membres de leur famille des camps en donnant des pots-de-vin de 2000 à 5000$ aux gardes armés. On entend aussi que les gardes vendent la nourriture fournie par les pays occidentaux aux déplacés, a relaté hier Ramani Balendra du Centre communautaire des femmes sud-asiatiques de Montréal. Les familles ici sont extrêmement inquiètes, surtout que c'est la saison des inondations.»