Un enfant est mort et un autre a été gravement blessé le mois dernier dans deux centres chinois de désintoxication de l'internet. Dix millions de jeunes Chinois seraient concernés par ce nouveau mal. Notre collaborateur a visité l'un de ces centres controversés.

L'entrée du bâtiment est protégée par deux soldats en uniforme, arme au poing et casque sur la tête. «Nous sommes ici dans une caserne de l'armée populaire de libération (APL), où résident des militaires. Le lieu est interdit aux étrangers», nous explique l'un d'eux.

 

Dans la cour intérieure, une dizaine d'hommes vêtus d'un treillis vert et d'un t-shirt de camouflage courent en rang. À l'extrémité de la caserne, un bâtiment est réservé au centre de désintoxication de l'internet.

«Il en existe 10 en Chine comme celui-là», précise le Dr Tao Ran, directeur du centre. «Nous sommes directement liés à l'hôpital de l'APL du quartier de Dongcheng et nous traitons donc médicalement et psychologiquement nos patients de manière scientifique. Nous cherchons avant tout à les guérir, pas à faire de l'argent comme les quelque 400 instituts privés qui ont ouvert dans le pays et où ont eu lieu les violences.»

L'établissement a été déplacé à 40 km du centre-ville en 2004 afin de profiter de plus d'espace pour accueillir ces drogués de l'internet, dont le nombre croît jour après jour. «Nous estimons que 10 millions de jeunes Chinois sont atteints par cette addiction», poursuit le médecin. «Ils sont généralement âgés de 22 à 40 ans, 90% d'entre eux sont des hommes et ils sont surtout dépendants des jeux vidéo.»

Lou Yixiang passait 5 heures devant son écran en période scolaire, et de 8 à 10 heures pendant les vacances. «Mes parents étaient inquiets car cela affectait mes études, il m'arrivait de ne pas aller en cours pour jouer», témoigne le jeune homme de 19 ans. «Le 25 juillet, ils m'ont dit qu'on partait tous ensemble se baigner au bord de la mer. En fait, ils m'ont emmené ici...»

Lors de journées entamées à 6h, les cours, avec «des profs souvent ennuyeux», alternent avec des activités physiques ou manuelles «divertissantes». «Je ne peux pas dire que je m'ennuie ou que je trouve cela intéressant, nous suivons un programme quotidien qui doit me permettre de m'en sortir. Je n'ai pas le choix», affirme-t-il.

Pour le Dr Tao, cette maladie est avant tout liée à l'éducation, qu'elle soit familiale ou scolaire. Les parents sont donc conviés à vivre au centre non loin de leur rejeton. «Nous leur montrons que sa dépendance vient souvent d'un souci au sein de la famille», explique le Dr Tao. «Et nous leur apprenons aussi qu'être parent est un véritable emploi.»

Cette mère de 39 ans, qui refuse de donner son nom, avoue s'être rendu compte de problèmes dans sa famille. «Depuis, mon fils semble aller mieux, il s'est fait plein d'amis alors qu'il n'en avait pas trop avant.»

Son mari et elle dépensent 10 000 yuans (1600$) par mois, soit l'équivalent de six fois le salaire mensuel moyen des citadins chinois, pour lui permettre d'être soigné, nourri et logé. Les chambres sont rudimentaires et la grille d'accès à l'étage des enfants est fermée par un épais cadenas. «Certains enfants sont malheureux ici et veulent se suicider», explique une employée. La thérapie de choc ne réussit visiblement pas à tout le monde.