Les États-Unis et le Pakistan se disent presque certains d'avoir éliminé le chef des talibans pakistanais, Baitullah Mehsud. Mais de l'aveu même du commandant des forces américaines en Afghanistan, les talibans, s'ils ont perdu quelques batailles, sont en train de gagner la guerre dans la région.

Soupçonné de la planification du meurtre de Benazir Bhutto et de dizaines d'attentats, le chef des talibans du Pakistan, Baitullah Mehsud, était depuis des années l'homme le plus recherché du Pakistan. Selon toute vraisemblance, sa fuite s'est terminée mercredi dernier alors qu'il prenait un moment de répit chez son beau-père.

 

Selon des sources américaines, citées par CNN hier, l'homme dans la trentaine qui dirigeait depuis 2007 le mouvement des talibans du Pakistan a été repéré par des avions sans pilote pendant qu'il se faisait masser les jambes par sa femme sur le toit d'une maison du village de Zanghara, dans le Waziristan du Sud. La chaleur aurait poussé le no1 des talibans, dont le diabète était connu des services secrets, à se réfugier sur le toit pour recevoir des soins.

Selon les mêmes sources, le président américain Barack Obama aurait préalablement approuvé une attaque contre M. Mehsud, qui, avant de mener une guerre ouverte contre le gouvernement pakistanais, a gagné ses galons en combattant en Afghanistan.

Les missiles qui se sont abattus sur la maison de campagne auraient tué le chef de guerre, son épouse, ses beaux-parents et sept gardes du corps, selon des combattants talibans qui ont accordé une entrevue au New York Times.

Malgré les récits concordants et le fait que Baitullah Mehsud n'ait pas donné signe de vie depuis six jours, des porte-parole des talibans ont affirmé hier que leur chef est malade, mais en vie.

Prudentes, les autorités pakistanaises et américaines refusent pour leur part d'affirmer avec certitude qu'elles ont atteint leur cible. Le ministre de l'Intérieur du Pakistan, Rehman Malik, a noté hier qu'il disposait d'«informations crédibles» selon lesquelles M. Mehsud serait mort, mais a promis de fournir une preuve d'ADN dans les prochains jours. Aux États-Unis, le conseiller du président Obama en matière de sécurité, Jim Jones, a dit en conférence de presse qu'il y avait «90% de chances» qu'il soit mort.

Guerre à la succession

Malgré l'incertitude qui l'entoure, le récit de la mort de Baitullah Mehsud est, au dire des experts, une preuve flagrante de la collaboration accrue entre les services secrets pakistanais et américains. «Ça montre aussi qu'ils sont capables de s'approcher de la tête du mouvement», a expliqué hier Marc Schneider, vice-président de l'International Crisis Group, un groupe de recherche qui surveille de près les situations de conflit dans le monde.

Selon M. Schneider, la mort présumée de Baitullah Mehsud, qui était à la tête d'une constellation d'organismes indépendants des talibans d'Afghanistan, est loin de régler la question de l'extrémisme musulman armé au Pakistan. «Même si la mort du leader se confirme, il y a plusieurs commandants de deuxième rang qui sont déjà prêts à commettre des attentats», a-t-il souligné. D'ailleurs, hier, deux des successeurs pressentis de Baitullah Mehsud ont joint les médias. Ils ont nié les rumeurs selon lesquelles ils se seraient entretués lors d'une réunion convoquée pour choisir un nouveau chef.

 

Les talibans gagnent du terrain



Malgré près de huit ans d'intervention militaire occidentale en Afghanistan, les talibans y ont repris le haut du pavé, selon le général Stanley McChrystal qui y commande les forces armées américaines. À l'approche des élections du 20 août, le général américain note que les talibans, en plus d'imposer leur loi sur le sud du pays, sont en train de gagner du terrain dans le nord et dans l'ouest, deux zones où ils ne sont pas traditionnellement présents. « (Les talibans) sont des ennemis très agressifs en ce moment. Nous devons freiner leur lancée. Arrêter leur initiative», a dit le général en entrevue au Wall Street Journal. Selon lui, le seul remède est de renforcer la présence américaine dans des régions-clés, dont Kandahar, où les forces canadiennes sont actuellement responsables de la sécurité.