Stephen Harper persiste et signe: tant que le gouvernement canadien n'aura pas réformé son système d'admission des réfugiés, les voyageurs mexicains devront obtenir un visa avant de poser le pied au Canada.

Les lois canadiennes sont «trop faibles» et ouvrent la porte à des demandes frauduleuses, a soutenu le premier ministre, hier, à Guadalajara, à l'issue du sommet annuel des dirigeants nord-américains. «Ces demandes abusives sont injustes pour les vrais réfugiés et pour les autres immigrants», a fait valoir Stephen Harper, en soulignant que les Mexicains n'étaient pas responsables de cette nouvelle exigence. Le problème, selon lui, c'est bel et bien le laxisme du régime canadien.

Le nombre de demandes d'asile présentées par des Mexicains a explosé depuis cinq ans, passant de 3500 en 2005 à 9400 l'an dernier. Environ neuf demandes sur 10 finissent par être rejetées.

C'est pour freiner cet afflux qu'Ottawa a décidé d'imposer un visa aux voyageurs mexicains depuis la mi-juillet.

Du coup, les demandes d'asile ont fondu. Au cours des deux semaines suivant l'imposition du visa, 17 Mexicains ont fait une demande de statut de réfugié - contre 225 pendant les deux premières semaines de juillet.

Mais la nouvelle politique a aussi eu un impact sur le tourisme. «La moitié de nos clients ont annulé leur réservation», dit le voyagiste Alain Paquette, dont la compagnie, Amerigo Tours, reçoit chaque année 8000 Mexicains au Canada. «Les Mexicains sont enragés, ils ne veulent plus venir au Canada», déplore-t-il.

«Des réunions ont eu lieu pour convaincre les Canadiens qu'ils devraient trouver d'autres moyens que les visas pour limiter les demandes d'asile abusives», affirmait hier le quotidien mexicain La Jornada. Tous ces efforts ont été vains.

Critiques

Au Canada, l'imposition de visas est loin de faire l'unanimité, et plusieurs craignent que des Mexicains qui ont réellement besoin de protection n'en fassent les frais.

Au fil des ans, des «agents» ont effectivement organisé à grands frais des filières d'immigration vers le Canada, en utilisant les mécanismes d'asile, reconnaît Janet Dench, du Conseil canadien pour les réfugiés.

Mais au lieu d'imposer des visas, le Canada devrait plutôt faire des campagnes d'information pour que les Mexicains se tiennent loin de ces réseaux, croit-elle.

«Le degré de violence est très élevé au Mexique et l'État n'est pas toujours capable d'assurer la sécurité des gens», souligne-t-elle - un état de fait reconnu par un avertissement aux voyageurs affiché sur le site web du gouvernement canadien.

Or, depuis l'exigence de visa, les Mexicains qui veulent fuir cette violence ont peu de chances d'entrer au Canada, dit Mme Dench.

Oui, le traitement de demandes d'asile doit être amélioré, mais l'imposition de visas est une mauvaise solution, opine Thierry St-Cyr, critique du Bloc québécois en matière d'immigration. Selon lui, il faudrait plutôt rendre le régime plus efficace et moins aléatoire qu'il ne l'est aujourd'hui.

De son côté, le Haut Commissariat pour les réfugiés encourage les États à ne pas utiliser l'imposition de visa comme moyen de réduire le nombre de demandeurs d'asile.