L'utilisation croissante par les Américains d'avions sans pilote pour attaquer les positions d'Al-Qaeda au Pakistan a son efficacité mais présente des risques à la fois pour les États-Unis et le pouvoir en place à Islamabad, estiment les analystes.

Le chef de la CIA a récemment défendu les frappes effectuées par ces drones, mais un nombre indéterminé de civils ont été tués dans ces attaques. Selon la presse pakistanaise, jusqu'à 700 civils en auraient été victimes. Ces frappes, devenues très impopulaires, risquent d'alimenter la colère de la population tout en ne parvenant pas à éliminer les abris terroristes.

«Plus il y a de frappes au Pakistan, plus le coût politique sera élevé pour les États-Unis mais aussi pour le Pakistan qui les autorise», affirme le politologue Seth Jones, de l'institut Rand Corporation à Washington.

Islamabad critique publiquement ces frappes mais coopère secrètement avec les Américains, estime M. Jones dans un entretien à l'AFP. Le Pakistan permet l'utilisation d'une base aérienne sur son sol, comme l'a laissé échapper récemment une sénatrice américaine lors d'une audience au Congrès.

Les drones, qui sont armés de missiles et sont pilotés à distance depuis des bases au Nevada ou ailleurs, sont devenus un arsenal de choix pour les Américains.

Sans qu'il y ait débat aux États-Unis sur la question, le rythme des bombardements menés par ces engins a augmenté de façon régulière depuis l'été dernier, sous le mandat de George W. Bush.

Equipés de caméras à infrarouges, de bombes guidées et de missiles Hellfire, les drones Predator et Reaper ont mené des frappes au Pakistan à un rythme hebdomadaire depuis que Barack Obama est à la Maison-Blanche, selon les médias pakistanais.

Les États-Unis ont commencé à utiliser davantage les drones après que des opérations secrètes des forces spéciales américaines sur le sol pakistanais eurent suscité une réaction de colère, expliquent des experts.

Et depuis que l'administration Bush a renoncé à notifier le gouvernement pakistanais de ses attaques imminentes --un processus qui demandait plusieurs heures-- les frappes ont été menées plus rapidement.

Pour le patron de la CIA, Leon Panetta, ces bombardements sont «très efficaces». «C'est très précis, c'est limité en termes de dommages collatéraux et, franchement, c'est le seul outil à disposition en ce moment pour tenter de décapiter la direction d'Al-Qaeda», a-t-il déclaré en mai.

Mais «briser la puissance des extrémistes signifie leur enlever leur pouvoir d'intimidation, ce que les frappes ne font pas», affirme David Kilcullen, ancien conseiller du général David Petraeus, le commandant des forces américaines en Irak et en Afghanistan.

Des frappes similaires en Somalie en 2005-2006 avaient tué des chefs islamistes mais provoqué la colère de la population, suscitant le ralliement d'autres extrémistes, insistent M. Kilcullen et un ancien officier de l'armée, Andrew Exum, dans un commentaire publié en mai.

«Même si les extrémistes sont impopulaires, ils semblent moins menaçants aux yeux des populations apeurées que cet ennemi sans visage qui arrive de loin et tue souvent plus de civils que de militants», écrivaient les deux hommes.

Alors que la guerre des drones a pris de l'ampleur avec 48 frappes depuis août 2008, la menace d'Al-Qaeda semble intacte.

«On se retrouve à créer le même problème que celui des Israéliens à Gaza», affirme Peter Singer, auteur d'un livre, «Wired for War». «Ils sont devenus très bons pour tuer les chefs du Hamas. Mais ils n'ont en aucune façon réussi à empêcher des jeunes de 12 ans d'adhérer au Hamas».