Quatre mille marines américains, transportés par des hélicoptères et des dizaines de véhicules blindés, participent depuis lundi à la plus vaste offensive terrestre de l'armée américaine depuis 2001 dans le sud de l'Afghanistan.

Leur mission: prendre le contrôle de la province d'Helmand, fief des rebelles talibans et centre névralgique mondial de la production d'opium.

 

Leur principal défi: maintenir leurs positions en gagnant l'appui de la population. Pour ce faire, les militaires n'ont jusqu'à présent fait aucun bombardement aérien et ont limité au maximum l'usage de l'artillerie, selon les agences de presse.

Baptisée Coup de sabre (Strike of the Sword), l'opération est la première attaque d'envergure depuis que le président Obama a édicté sa nouvelle «stratégie régionale» pour stabiliser la région. Le haut commandement américain souhaite ainsi éradiquer l'influence des talibans de l'Afghanistan et du Pakistan en convainquant la population qu'elle se porterait mieux sans eux. «L'important pour nous est d'entrer en contact avec les leaders locaux, pour entendre leurs principaux besoins et connaître leurs priorités», a résumé hier à l'Associated Press le capitaine William Pelletier, porte-parole des marines.

À en croire une entrevue accordée au National Post par le colonel Greg Julian, principal porte-parole de l'armée américaine en Afghanistan, les citoyens afghans seraient même désormais considérés comme le «centre de gravité» des opérations. «Dans certains cas, cela implique que nous permettions aux insurgés de s'échapper des combats si un commandant juge qu'ils peuvent le faire sans mettre en péril les troupes» et la population, a-t-il déclaré.

Menée en collaboration avec 650 membres de l'armée afghane, l'opération a jusqu'à maintenant fait un mort et plusieurs blessés parmi les troupes américaines. Sous un mercure atteignant près de 40 degrés, les soldats ont cependant rencontré peu de résistance dans la vallée de l'Helmand jusqu'à maintenant, mais s'attendent à des affrontements plus musclés à mesure que les rebelles talibans organiseront leur stratégie de guérilla.

La nouvelle stratégie américaine se met en branle alors que plusieurs villageois du sud de l'Afghanistan ont spontanément pris les armes contre l'armée américaine après avoir perdu des proches ou leurs maisons dans des raids aériens, a fait savoir hier le New York Times. «Cela fait deux ans que le président Hamid Karzaï dénonce ces raids aériens», a souligné Jocelyn Coulon, directeur du réseau francophone de recherche sur les opérations de paix du CERIUM.

«Cible de haute valeur»

En août dernier, l'émission 60 Minutes avait révélé que le haut commandement de l'armée de l'air des États-Unis pouvait tolérer jusqu'à 30 morts parmi les civils pour abattre une seule «cible de haute valeur» dans des bombardements aériens. «Les Américains veulent maintenant éviter ces bombardements aveugles, qui causent tellement de dommages à la population et au gouvernement afghan. Bombarder une cible à 30 000 pieds d'altitude, cela permet à l'armée américaine de protéger la vie de ses soldats, mais c'est rarement une stratégie efficace. La seule façon de faire, c'est d'envoyer des troupes à pied sur le terrain et d'occuper le territoire», a noté M. Coulon.

«Le problème, c'est qu'avec leur nouvelle stratégie, les Américains repoussent les talibans, mais on ne sait pas trop où. Leur offensive peut les forcer à se replier vers le Pakistan (au sud), ce qui n'aidera pas à stabiliser la région. Certains rapports de presse laissent aussi croire que les talibans ont commencé à s'infiltrer au nord, en Asie centrale. Ce n'est certainement pas quelque chose d'intéressant pour ces pays qui sont fragiles. Cela pourrait provoquer des problèmes de stabilité politique», a-t-il ajouté.

Pour le spécialiste, cette situation démontre qu'une stratégie militaire seule risque de se révéler totalement inutile. «Des opérations militaires, il y en a dans ce secteur depuis maintenant sept ans. Or, on ne peut pas régler ce problème sans mettre simultanément de l'avant une stratégie politique. Pour régler le problème, les Américains devront faire preuve d'une plus grande ouverture à l'égard des talibans ouverts au processus politique», a conclu M. Coulon.

 

La Province d'Helmand, terroir de l'opium

Cible de la plus vaste opération militaire terrestre américaine depuis 2001, la province d'Helmand est un secteur stratégique pour les talibans: c'est l'endroit au monde où l'on produit le plus d'opium.

Selon le dernier rapport de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime, les deux tiers de toute la production d'opium d'Afghanistan provenaient de cette province en 2008. Les fermiers y ont cultivé cette année-là 103 500 hectares de plants de pavot, générant des revenus équivalant à 507 millions US. Cinq ans plus tôt, la superficie cultivée n'était que de 15 300 hectares.

Les spécialistes considèrent que les profits du trafic de l'opium servent directement à financer les activités des talibans. Les fermiers qui s'adonnent à la culture de l'opium tirent de leurs terres des revenus trois fois supérieurs à ceux des cultivateurs de blé.