La fin tragique du vol 447 d'Air France, début juin, reste bien présente à l'esprit des pilotes de l'entreprise, qui misent sur l'enquête en cours pour retrouver la «quiétude» perdue.

«Ce serait un mensonge de dire que ça n'a pas eu d'impact sur nous. D'abord parce que nous sommes encore dans l'incompréhension. On n'a pas d'éléments tangibles de réponse», a indiqué à La Presse Éric Derivry, pilote d'Air France comptant 20 ans d'expérience.

 

«Il faut que toute la lumière soit faite sur les circonstances de l'accident, quelles que soient les responsabilités évoquées. Même si ce sont des responsabilités qui font mal», souligne M. Derivry, porte-parole du Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL).

Le Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA) doit livrer la semaine prochaine un premier rapport d'étape très attendu dans le milieu de l'aviation.

L'organisation s'est montrée très réservée jusqu'à maintenant dans ses communications avec les médias, qui continuent de spéculer sur les causes du drame.

Les autorités brésiliennes et françaises insistent sur l'importance des informations contenues dans les boîtes noires de l'appareil, qui reposent toujours au milieu de l'océan Atlantique, à plusieurs kilomètres de profondeur.

Mardi, le quotidien Le Monde a affirmé qu'un signal émanant des balises acoustiques des boîtes avait été capté, mais la nouvelle a été démentie par le BEA et l'état-major des armées françaises.

Un sous-marin nucléaire français ainsi que deux vaisseaux tirant des appareils de détection américains ratissent une zone située à 1350 kilomètres des cotes brésiliennes. Il s'agit d'une véritable course contre la montre puisque les balises peuvent cesser d'émettre après une trentaine de jours.

En marge de ces recherches, les enquêteurs passent au peigne fin les pièces de l'appareil qui ont été récupérées ainsi que les signaux transmis dans les dernières minutes du vol pour tenter de remonter aux causes du drame.

Ces signaux indiquent notamment qu'il y avait une «incohérence des différentes vitesses (de vol) mesurées» par l'appareil, tombé dans une zone de forte perturbation climatique. Ces incohérences pourraient être imputables au mauvais fonctionnement de sondes de vitesse qu'Air France avait entrepris de remplacer dans les mois précédant l'accident.

Les syndicats de pilotes ont fait pression sur la compagnie au lendemain de la disparition du vol 447 pour accélérer leur remplacement en évoquant le «principe de précaution».

Selon M. Derivry, un accident d'avion comme celui survenu au-dessus de l'Atlantique est toujours «multifactoriel». Il existe néanmoins un «faisceau» d'éléments suggérant que les sondes ont joué un rôle non négligeable.

Au dire du porte-parole du SNPL, plusieurs appareils dotés du même modèle de sonde ont connu des difficultés en vol au cours de la dernière année.

Leur dysfonctionnement peut être lourd de conséquences puisque le pilote est amené à prendre une décision rapide sans pouvoir se faire une idée précise de la vitesse de l'appareil. S'il décide d'accélérer alors qu'il devrait ralentir, des pièces peuvent se disloquer. Dans le cas contraire, l'appareil peut décrocher et plonger. «C'est une situation très, très, très inconfortable pour le pilote», souligne M. Derivry, qui ne sait pas si l'avion d'Air France s'est disloqué en vol.

La présence de deux groupes de corps de victimes à plusieurs kilomètres de distance suggère que ce fut le cas, au dire des autorités brésiliennes. Les autopsies renforceraient l'hypothèse mais aucune confirmation officielle n'a été donnée à ce sujet.