Les Groenlandais ont célébré dans la liesse dimanche jusque dans les villages les plus reculés le statut d'autonomie élargie de leur île, sous hégémonie danoise depuis près de trois siècles, qui marque un tournant de leur histoire et leur ouvre la voie vers l'indépendance.

À Nuuk, la capitale de cette île stratégique de l'Arctique, pavoisée de drapeaux groenlandais, des milliers d'habitants, petits et grands, se sont rassemblées au petit matin au port colonial où avait débarqué en 1721 le premier colonisateur danois.

Ils sont venus en masse fêter cet évènement historique avec la famille royale danoise, leur gouvernement et parlement au grand complet. Devant des invités étrangers, ils ont chanté en choeur l'hymne inuit.

Saluant cette journée symbolique, «pleine d'espoirs et de possibilités», le chef du gouvernement local Kuupik Kleist a appelé dans un discours ses concitoyens «à travailler dur pour développer nos capacités à subvenir nous-mêmes à nos besoins» et à assurer un jour «notre souveraineté».

À partir de ce 21 juin 2009, «nous entamons une nouvelle ère dans l'histoire de notre pays (...). C'est comme si nous nous étions réveillés dans un pays couvert de neige fraîche où nous poserions les premières empreintes pour nos descendants qui suivront nos traces», a dit M. Kleist.

Ce statut d'autonomie élargie, qui entre en vigueur en ce jour de fête nationale du Groenland, est, a-t-il dit, «très important pour nous, pour une petite société (57.000 habitants sur 2,2 millions de km2, ndlr) reconnue aujourd'hui comme un peuple à part entière sur un pied d'égalité avec les autres nations».

«D'autres pays ont obtenu l'autodétermination, souvent en faisant beaucoup de sacrifices», mais le Groenland y est parvenu «par le dialogue, la compréhension mutuelle et le respect réciproque» avec la métropole danoise, a-t-il observé.

Visiblement émue, Anne-Sofie Moeller Rossing, 65 ans, vêtue du traditionnel costume de fête groenlandais aux couleurs chatoyantes, a «envie de pleurer» en écoutant le dirigeant de l'île, et serrant le drapeau groenlandais, un soleil levant sur l'indlandsis.

«Enfin on nous reconnaît comme peuple avec notre propre langue, notre propre culture, notre identité. On peut décider de notre propre destinée sans demander à chaque fois l'autorisation à Copenhague», dit-elle.

Tenant par la main son fils Rudi, 7 ans, qui veut voir en chair et en os la princesse Mary, épouse du prince héritier Frederik, Brian Felcker, la trentaine, est tout aussi ému.

«Ce jour signifie beaucoup pour nous. Il nous redonne notre fierté et plus d'envie de nous éduquer», assure-t-il, croyant que l'indépendance totale viendrait «lorsque nous aurons gagné la bataille de l'éducation et notre indépendance économique».

À l'instar des autres insulaires, Akaa, une septuagénaire, croit en ce rêve d'indépendance, «ancré au fond de tous les Inuits». «Quel peuple n'aspire pas à être libre?», s'interroge-t-elle.

Les jeunes aussi étaient à la fête comme Salome Samuelsen, 19 ans, qui croit «que le chemin vers l'indépendance est encore long et difficile».

La foule en fête a suivi pendant des heures la famille royale du port à l'église où un office religieux a été célébré, puis jusqu'aux portes du Landsting, le parlement local où la souveraine danoise a remis officiellement la loi sur l'autonomie élargie au président de l'assemblée Josef Motzfeldt.

Lors d'une conférence de presse conjointe avec M. Kleist, le premier ministre danois Lars Loekke Rasmussen a salué ce nouveau chapitre de l'histoire groenlandaise.

«L'avenir du Groenland est aux mains des Groenlandais», a-t-il affirmé, un point de vue partagé par Kuupik Kleist. «Notre indépendance viendra, j'en suis persuadé, mais elle n'est pas à l'ordre du jour dans les quatre années à venir de mon gouvernement».