L'étrange et cruel destin de quatre détenus ouïgours de Guantánamo a enfin connu un rebondissement heureux hier: innocentés depuis plusieurs années, ces musulmans appartenant à une minorité turcophone de la Chine ont été libérés de la prison controversée et envoyés aux Bermudes, où ils tenteront de refaire leur vie.

«Aujourd'hui, vous avez fait retentir les cloches de la liberté», ont-ils écrit dans un communiqué adressé au peuple et au gouvernement des Bermudes, qui ont accepté de les accueillir, et transmis par leurs avocats. «Ayant grandi sous le communisme, nous avions toujours rêvé de vivre en paix et de travailler dans une société de liberté comme celle-ci», a affirmé Abdul Nasser, un des anciens détenus, au nom de ses trois compagnons, Huzaifat Parhat, Abdul Semet et Jalal Jalaladin.

Mais le calvaire de 13 autres détenus ouïgours, également blanchis de soupçons de terrorisme, se poursuit à Guantánamo. Palau, minuscule État du Pacifique, a offert de les accueillir temporairement, mais les États-Unis n'ont pas pris de décision à ce sujet. Chose certaine, malgré les demandes répétées de Pékin, Washington n'a pas l'intention de les renvoyer en Chine, car leur minorité y fait l'objet de persécutions.

C'est d'ailleurs pour échapper à cette oppression qu'un groupe de 22 Chinois ouïgours s'est réfugiés dans les montagnes afghanes. À l'automne 2001, les bombardements des États-Unis et de leurs alliés contre les talibans les ont fait fuir vers la frontière pakistanaise, où ils ont été arrêtés et vendus par des chasseurs de primes aux Américains.

Accusés d'avoir été entraînés dans des camps d'Al-Qaeda, ils ont été transférés à Guantánamo en 2002. Selon leurs avocats, trois des Ouïgours envoyés aux Bermudes ont été innocentés «il y a six ans» et le dernier «en 2005». Ils auraient néanmoins continué à subir des violences par la suite.

Le gouvernement des Bermudes n'est pas le premier à accueillir des Ouïgours de Guantánamo. Cinq autres avaient été envoyés en Albanie en 2006.

Le transfèrement des détenus vers les Bermudes s'inscrit dans le cadre des efforts de l'administration Obama pour fermer la prison de Guantánamo, une décision contestée par les parlementaires républicains du Congrès et une partie de la population.

«Nous sommes extrêmement reconnaissants envers le gouvernement des Bermudes pour son aide dans la réussite de la réinstallation de ces quatre détenus et nous louons la capacité de décision dont il a fait preuve dans ce dossier important», a déclaré le ministre de la Justice Eric Holder dans un communiqué.

Les Ouïgours envoyés aux Bermudes devraient pouvoir participer à un programme pour travailleurs étrangers, selon leurs avocats. Leur transfèrement dans ce pays a soulevé des vagues au Royaume-Uni, dont le gouvernement aurait souhaité en être informé en tant que garant de la sécurité extérieure de ce territoire britannique. Il a également provoqué les protestations de la Chine, qui exige le rapatriement de ses ressortissants.

La Chine accuse les Ouïgours d'être membres du Mouvement islamique du Turkestan oriental, classé par les Nations unies et les États-Unis comme une organisation terroriste.