La Russie et l'Union européenne ont laissé éclater leurs divergences au grand jour vendredi lors de leur sommet bi-annuel, de la sécurité énergétique au Partenariat oriental européen avec les pays de l'ex-URSS.

Le sommet qui se tenait en Extrême-Orient russe à Khabarovsk, à 6000 kilomètres à vol d'oiseau de Moscou, était censé mettre un peu de baume au coeur après les tensions liées à la guerre en Géorgie en août 2008 et la crise gazière de janvier.

«L'Union européenne considère la Russie comme un partenaire stratégique. Il est nécessaire de faire en sorte que cela devienne une réalité et pas une simple déclaration d'intention», a lancé le président tchèque Vaclav Klaus, qui représentait les 27 pays de l'UE.

Malgré les assauts de compliments sur la beauté de Khabarovsk, baigné par le fleuve Amour, chacun a campé sur ses positions.

Sur l'énergie, sujet ultrasensible, le président russe Dimitri Medvedev n'a pas exclu une nouvelle guerre du gaz russo-ukrainienne et décliné toute responsabilité de Moscou.

«Nous avons des doutes sur les capacités de paiement de l'Ukraine» pour ses achats de gaz russe, a lancé M. Medvedev.

Ce type de contentieux financiers a déjà conduit à plusieurs crises aux lourdes répercussions pour l'Europe, privée ainsi pendant deux semaines en janvier du gaz russe qui transite par l'Ukraine.

«La Russie ne donnera aucune garantie (qu'il n'y aura pas de crise)! À quoi bon ? (...) Que celui qui paie donne des garanties!», a asséné le maître du Kremlin.

«Dans cette situation (...) nous sommes prêts à aider l'État ukrainien mais nous aimerions que l'UE assure une partie significative de ce travail», a ajouté M. Medvedev.

Concernant les moyens de garantir la sécurité énergétique, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a insisté pour que les nouvelles mesures à prendre reposent sur la Charte de l'Energie dont Moscou ne veut pas entendre parler.

«Nous ne devrions pas rejeter des accords qui existent déjà depuis des années. Nous sommes prêts à examiner les propositions de la Russie, mais en construisant sur les accords existants», a déclaré le M. Barroso.

«La Russie ne participe pas et n'a pas l'intention de participer» à la Charte de l'Energie, a martelé juste auparavant M. Medvedev en mettant en avant ses propres propositions.

Le traité sur la Charte, signé depuis 1994 par 49 pays mais jamais ratifié par la Russie, vise à améliorer la sécurité des approvisionnements énergétiques et à optimiser la production, le transport et la distribution de l'énergie.

M. Medvedev n'a pas non plus fait mystère de son agacement devant le Partenariat oriental lancé par l'UE avec six pays de l'ex-URSS - dont le Bélarus, l'Ukraine et la Moldavie - et que Moscou perçoit comme une immixtion dans sa sphère d'influence traditionnelle.

«Nous sommes gênés que certains pays tentent d'utiliser cette structure comme un partenariat contre la Russie», a-t-il déclaré.

Ce projet n'est «dirigé contre personne», a assuré M. Klaus. «L'Union européenne souhaite que la Russie participe aux programmes du Partenariat oriental», a ajouté M. Solana, sans plus de succès.

Fort de ses hydrocarbures et de son passé de superpuissance soviétique, Moscou est déterminé à défendre son rang mondial.

En invitant ses hôtes à neuf fuseaux horaires de Bruxelles, près de la frontière chinoise, M. Medvedev n'a pas d'ailleurs caché ses intentions : «Ils doivent apprécier la grandeur de la Russie», a-t-il lancé devant des étudiants.

La Russie avait peut-être aussi un autre message en arrière-plan : elle compte d'autres partenaires stratégiques, comme la Chine, vers lesquels elle peut toujours se tourner si l'Europe la déçoit.