Lakhdar Boumediene, un détenu de Guantanamo que la France va accueillir, est un père de famille algérien totalement blanchi par la justice américaine dont le nom est devenu emblématique de la privation de droits.

Habitué des décisions historiques, M. Boumediene, 42 ans, est un des rares détenus de Guantanamo non inculpés dont le nom est connu aux Etats-Unis. La décision de la Cour suprême en juin 2008 d'autoriser les prisonniers de centre de détention le plus controversé du monde à saisir les tribunaux fédéraux de Washington porte son nom.

Le 20 novembre suivant, avec quatre de ses compagnons d'infortune, il a été le premier détenu de Guantanamo blanchi par un juge fédéral américain.

Le juge a sermonné le gouvernement Bush quant à l'inconsistance des éléments retenus à charge contre ces hommes.

Mais, depuis, M. Boumediene, très affaibli par sept ans de prison immérités, est toujours à Guantanamo, dans l'attente d'un transfert. Il n'a pu être renvoyé en Bosnie faute d'en avoir la nationalité.

Ce détenu qui, comme les autres, affirme avoir subi des violences à Guantanamo, coups, privation de sommeil, exposition à des températures extrêmes, obligation de rester des heures dans des positions inconfortables, a traversé des phases de profond désespoir.

Il a entamé une grève de la faim en décembre 2006, dans le but de montrer à ses geôliers qu'il maîtrisait une partie de son destin, expliquent ses avocats.

Depuis plus de deux ans, il a été nourri de force, «maintenu sur une chaise, attaché en sept endroits, avec un masque sur la bouche». Un tuyau introduit par le nez envoie un liquide protéiné dans son estomac.

«Une de ses narines a cédé, ils utilisent l'autre, parfois le tuyau va vers le poumon et non vers l'estomac: c'est de la torture», avait déclaré un de ses avocats en octobre. Selon lui, M. Boumediene a perdu 20 kg.

Après avoir été déclaré «libérable» par la justice en novembre, il a encore attendu près de deux mois avant d'être transféré dans une partie du centre où les détenus disposent de certaines libertés, le camp Iguana. Il a selon ses avocats subi de nouvelles violences et humiliations par la suite.

Né en Algérie, M. Boumediene était parti chercher un travail plus rémunérateur au Pakistan au début des années 90.

Il a ensuite brièvement séjourné au Yémen, où il a appris le français, puis, après un passage en Albanie où il a épousé en 1995 Abassia Bouadjimi, il s'est installé en Bosnie.

Il était l'un des responsables du Croissant rouge de Sarajevo quand le cauchemar a commencé. Avec cinq autres Algériens, également résidents légaux en Bosnie, il est arrêté par la police bosniaque fin 2001.

Soupçonnés de préparer un attentat contre l'ambassade américaine de Sarajevo, les six hommes sont vite mis hors de cause mais ils sont livrés néanmoins aux autorités américaines qui les transfèrent le 20 janvier 2002 dans les cages à ciel ouvert du camp de détention de Guantanamo.

Dans son discours de l'Union en janvier 2002, George W. Bush les avaient présentés comme «une cellule terroriste qui allait commettre un attentat contre l'ambassade américaine» en Bosnie.

En réalité, Washington a abandonné ces charges, se contentant de reprocher à M. Boumediene et ses compagnons d'avoir envisagé de partir combattre les Etats-Unis et leurs alliés en Afghanistan. Le gouvernement n'a jamais fait appel de la décision de le blanchir totalement.