L'irruption du virus de la grippe porcine a vidé les rues, les restaurants et les commerces de la capitale du Mexique. Seul un léger tremblement de terre, hier, a pu temporairement faire sortir la ville de son état de torpeur, raconte notre collaboratrice.

Le Zocalo est tranquille. D'ordinaire, cette place immense de la capitale mexicaine est pourtant submergée par le brouhaha automobile et les célébrations populaires.

 

C'est que l'apparition du virus de la grippe porcine, qui aurait fait jusqu'à 149 morts au Mexique, a chamboulé les habitudes de la population. Au point que la ville de Mexico est frappée de paralysie.

Musées fermés, parcs déserts, restaurants et commerces qui baissent les volets: les mesures de prévention de la contagion adoptées par la mairie de Mexico ont provoqué des scènes de dévastation.

Pour la première fois, la population a été privée des deux grandes activités dominicales traditionnelles: la messe et le soccer.

Sur la parvis de l'église San Juan Bautista, dans le paisible quartier de Coyoacan, quelques paroissiens débattaient dimanche de ces mesures radicales, parfois incohérentes: «C'est ridicule qu'on ne puisse pas se réunir pour la messe alors que les marchés attirent du public et que le métro fonctionne encore», maugréaient deux dames.

Dans le stade Azteca, où se jouait un match de soccer dimanche, un silence de mort accompagnait les buts. Les gradins de ce stade qui peut accueillir jusqu'à 105 000 spectateurs étaient vides.

Tremblement de terre

Après avoir fermé les écoles et les universités dans le cadre du plan d'urgence sanitaire, les autorités envisagent de suspendre l'activité économique. Les entreprises sont priées d'instaurer des horaires tournants, afin d'éviter les concentrations trop importantes dans des espaces fermés.

Hier, un tremblement de terre d'une magnitude de 5,6 sur l'échelle de Richter (selon l'Institut de géophysique américain) a forcé l'évacuation des immeubles du centre-ville, sans causer de dégâts. La monotonie de l'enfermement s'en est trouvée temporairement troublée.

Sur la place ombragée de Coyoacan, un artiste manie une marionnette. Tous deux, son pantin et lui, portent le masque antigrippe. La parodie révèle la réalité: au cours des derniers jours, l'usage de ces accessoires s'est généralisé.

Épuisés dans les pharmacies, deux millions de masques ont été distribués dans le métro par des policiers et des militaires. Mais le scepticisme s'étend presque aussi vite que le mimétisme.

Accoudés au comptoir d'une échoppe de tacos, Maria et José Luis refusent de se barricader chez eux: «Le gouvernement tente de dresser un écran de fumée pour détourner notre attention de la crise économique et de l'insécurité. Il y a des élections législatives dans trois mois, alors ils terrorisent la population pour ensuite apparaître comme des sauveurs. Je ne dis pas que l'épidémie n'existe pas, mais on est mal informés.»

Dans les hôpitaux, on enregistre une affluence de patients qui présentent des symptômes légers mais se croient malades. La majorité invisible, cloîtrée à domicile, prend la menace du virus très au sérieux. Et rares sont les habitants de Mexico qui ne se demandent pas avec anxiété quand a réellement commencé à se propager cette mystérieuse maladie et quelle est la magnitude exacte de l'épidémie.