Brute ou héros? La Grande-Bretagne célèbre mardi les 500 ans de l'accession au trône du roi Henri VIII, inspirateur de la légende de Barbe Bleue pour s'être marié six fois et avoir fait exécuter deux de ses épouses. Sa bataille pour divorcer de sa première femme l'a conduit à rompre avec l'Eglise catholique et à proclamer l'indépendance de l'Eglise anglicane.

«C'était une personne affreuse», soutient Brett Dolman, conservateur du château d'Hampton Court, qui fut la résidence du roi au sud-ouest de Londres. «Emotionnellement malsain. Une petite brute.»

Sa collègue Suzannah Lipscomb se montre plus indulgente. «Je me demande parfois si je suis la première femme à éprouver de l'empathie pour ce tyran monstrueux», explique celle qui a écrit un livre sur le monarque.

«Je ne suis pas sûre de bien l'aimer, mais je pense avoir une meilleure idée des raisons pour lesquelles il a fait ce qu'il a fait», explique-t-elle, soulignant son influence sur le destin de la Grande-Bretagne. «Il a marqué le passage d'un Etat médiéval à un Etat moderne. Il a fondé l'Eglise d'Angleterre. Il a donné de l'éclat à l'Angleterre et lui a gagné une place sur la scène européenne qu'elle a conservée depuis lors, en dépit de sa taille.»

Henri VIII est probablement le roi le plus célèbre du pays, instantanément reconnaissable grâce au portrait peint par Hans Holbein d'un homme massif et barbu.

Le château d'Hampton Court, qui fut la résidence favorite du roi et de sa cour, attire les touristes qui viennent visiter ses immenses appartements et son cour de tennis vieux de 500 ans, ses 24 hectares de jardin et son célèbre labyrinthe végétal.

Les monuments et musées britanniques profitent de la date anniversaire pour organiser des expositions, notamment au château de Windsor, l'une des résidences officielles de la reine Elisabeth II , qui est aussi l'endroit où Henri VII repose aux côtés de sa troisième femme Jane Seymour.

Lorsqu'il est monté sur le trône le 21 avril 1509, Henri VIII était un svelte et athlétique jeune homme de 17 ans, passionné de joutes. Lorsqu'il est mort, en 1547, souffrant d'ulcères de la jambe, il affichait un imposant tour de taille de 140 centimètres.

Dans sa jeunesse, il est apparu comme un roi guerrier désireux de conquérir le coeur et l'esprit de ses sujets -en particulier les femmes. Doté d'une bonne éducation, il parlait plusieurs langues et jouait les mécènes pour les artistes.

Mais l'homme est surtout célèbre pour avoir fait arrêter deux de ses femmes, Anne Boleyn et Catherine Howard, emprisonnées dans la Tour de Londres et décapitées.

«Clairement, au début de son règne il était plutôt attrayant-bouillant, charismatique, beau», souligne Brett Dolman, qui a organisé une exposition sur les femmes de la vie de «Barbe Bleue» au château d'Hampton Court. «C'est une personne affreuse, mais aussi passionnée et il a aimé -aimé passionnément-au moins quatre de ses femmes.»

L'amour d'Henri VIII pour Anne Boleyn l'a conduit à vouloir divorcer de sa première femme Catherine d'Aragon, qui n'a pas réussi à lui donner d'héritier mâle. Le refus du Vatican d'annuler le mariage l'a poussé à rejeter l'autorité du pape et à se placer à la tête de l'Eglise d'Angleterre. Sous le règne de ses successeurs, le pays est devenu résolument protestant.

Ce schisme et la dissolution des monastères influents du pays a permis de faire glisser le pouvoir de l'Eglise vers l'Etat. Les guerres d'Henri VIII ont fait de l'Angleterre un acteur majeur en Europe, et les chantiers navals qu'il a fondés ont contribué à propulser la marine britannique autour du monde.

Malgré son obsession d'avoir un héritier masculin, son seul fils, Edouard VI, est mort à l'âge de 15 ans. Sa fille Elysabeth I a régné pendant 45 ans pendant lesquels l'Angleterre a vécu l'une de ses plus belles ères.

Selon Suzannah Lipscomb, Henry VIII constitue un symbole de «l'identité nationale» en Angleterre. «Même si nous sommes horrifiés par ce qu'il a fait, nous sommes aussi fiers de lui», souligne-t-elle.