L'avortement est un péché pire que le viol. Et les condoms aggravent l'épidémie du sida. Décidément, une crise n'attend pas l'autre au Vatican ces jours-ci.

À peine remis du scandale de la fillette brésilienne (dont l'avortement à la suite du viol commis par son beau-père a mené à l'excommunication de sa mère et de l'équipe médicale), le pape Benoît XVI a replongé dans la controverse cette semaine à l'occasion de son voyage en Afrique. Dans l'avion l'amenant au Cameroun, il est allé encore plus loin que Jean-Paul II au sujet des préservatifs, affirmant qu'ils contribuent à propager le sida.

 

Une phrase malheureuse échappée à brûle-pourpoint? Certainement pas. Les questions des journalistes, qui prenaient part à la conférence de presse dans l'avion papal, avaient été soumises deux jours auparavant, et le secrétaire de presse du pape, le jésuite Federico Lombardi, avait préparé les réponses avec Benoît XVI la veille, rapporte le quotidien catholique français La Croix.

La France, l'Allemagne, le Fonds mondial de lutte contre le sida et Médecins du monde, entre autres, ont réagi avec colère. Certains ont même envisagé la possibilité que le pape soit complice d'un «crime contre l'humanité». Même La Croix a déploré que le pape ne s'en tienne pas à prôner l'abstinence et la fidélité conjugale, au lieu de parler directement du préservatif; à cause du scandale, son appel à la gratuité des médicaments antisida est passé inaperçu. L'évêque français de Gap, Jean-Michel di Falco-Leandri, a publiquement affirmé que, sur le terrain, les religieux suggèrent le préservatif à leurs ouailles qui ne s'en tiennent pas à l'abstinence et à la fidélité, ainsi qu'aux couples «sérodiscordants».

Le problème est aussi une question temporelle: le Vatican ne vit pas sur la même planète que les médias. La version officielle de la conférence de presse, qui atténuait un petit peu les propos du pape, a été distribuée... 48 heures plus tard. Le même retard chronique du Vatican a fait en sorte que la mise au point de la Congrégation pontificale pour la vie à propos de l'avortement et du viol - l'avortement n'aurait même pas dû être évoqué - est passée inaperçue parce qu'elle est survenue presque une semaine après le commentaire inadmissible des évêques brésiliens.

Le père Lombardi a eu beau tenter d'adapter la phrase du pape aux preuves scientifiques - l'un des programmes les plus prometteurs de lutte contre le sida, en Ouganda, combinait des appels à l'abstinence, à la fidélité et au port du préservatif -, le mal était déjà fait.

Pour compliquer le portrait, l'Église n'est d'ailleurs pas épargnée par le sida: dans certains diocèses africains, de 60 à 70% des membres du clergé sont touchés, selon La Croix. Benoît XVI a d'ailleurs appelé les séminaires à faire preuve de plus de «discernement» dans le choix des candidats à la prêtrise. Et le quotidien camerounais Le Messager a publié un classement des 30 évêques du pays, et a précisé lesquels ont des enfants - le secrétaire de la conférence épiscopale en aurait trois.