Onze morts en Alabama, 16 près de Stuttgart: aux Etats-Unis comme en Europe, experts et politiques prônent alternativement prévention psychologique, contrôle des armes à feu ou des jeux vidéo pour empêcher les massacres à répétition.

Pour Jens Hoffmann, qui dirige l'institut Psychologie et sécurité près de Francfort, l'entourage du jeune meurtrier Tim Kretschmer, 17 ans, qui a tué 15 personnes mercredi dans le sud-ouest de l'Allemagne avant de se suicider, aurait nécessairement dû se rendre compte de ce qu'il préparait.

«Tous ces actes, sans exception, sont précédés par des signaux précurseurs clairement identifiables», a déclaré ce psychologue qui a étudié plus de 30 tueries d'importance, notamment en Finlande, en Allemagne et aux Etats-Unis, ces deux derniers pays étant selon lui les plus concernés par les massacres à l'école.

«On constate par exemple que les forcenés essayent de se procurer des armes, des vêtements, que parfois ils font part de leur intention à des camarades ou à d'autres personnes», a-t-il expliqué sur les ondes de la DeutschlandRadio.

Le jeune Tim avait effectivement prévenu de ses intentions, lors d'un «chat» avec un inconnu sur internet. Et le jour du massacre, il avait revêtu une tenue de combat noire.

Pour la Finlandaise Mirjam Kalland, de l'ONG de protection de l'enfance Ligue Mannerheim, les parents, l'école et les psychologues doivent «réagir rapidement aux signaux d'alerte».

«Tous ceux qui ont planifié des attaques, ont donné une forme d'avertissement ou changé leur comportement. On doit les prendre au sérieux», souligne Mme Kalland, dont le pays a été endeuillé par deux massacres dans des lycées en moins d'un an.

Plusieurs experts ont par ailleurs souligné la nécessité de restreindre l'accès des mineurs aux jeux vidéo particulièrement violents, comme le jeu en ligne de combats «Counter-Strike», dont Tim Kretschmer était un adepte assidu.

Il y a deux ans, après une fusillade dans une école, qui avait fait 27 blessés, le gouvernement allemand avait annoncé son intention d'interdire la vente aux mineurs de jeux vidéos «dominés par la violence».

En 2008, les autorités fédérales ont ordonné le retrait des rayons de 43 jeux «killer», selon le quotidien Tagespiegel. Ces jeux restent autorisés à la vente mais ne peuvent pas être exposés.

Pour le Suédois Peter Gill, professeur en sciences de l'éducation, de telles mesures sont justifiées car ces jeux de guerre «ne sont pas si virtuels», le joueur n'y affrontant pas l'ordinateur, mais d'autres personnes connectées sur internet en même temps que lui.

«Internet facilite ces comportements violents parce que vous trouverez toujours quelqu'un, dans un petit village, qui partage votre point de vue, même si vous pensez qu'il est normal de tuer les gens», a-t-il souligné.

Reste la question de l'accès à des armes à feu, toujours très sensible aux Etats-Unis où un puissant lobby défend le droit de chaque Américain de porter une arme. Après la tuerie de l'Alabama, où un homme de 28 ans a abattu mardi dix personnes avant de se suicider, des voix se sont à nouveau élevées pour réclamer une législation plus stricte.

«La prévention (résulte) de lois solides qui font que lorsque quelqu'un achète une arme, on puisse avoir une idée de son passé criminel et psychique», a plaidé Ladd Everitt, du collectif contre la violence par armes à feu.

En Europe, où les armes s'achètent moins facilement, ce débat existe aussi. Après la tuerie d'Erfurt (est), en 2002, les autorités allemandes avaient durci la législation en relevant de 18 à 21 ans l'âge légal pour la possession d'armes de tir.

Des mesures sans effet en ce qui concerne le massacre de mercredi, commis avec une arme subtilisée par l'adolescent à son père.

«Si quelqu'un a réellement l'intention de tuer, il sera toujours facile pour lui d'accéder à des armes», estime le criminologue britannique James Treadwell.

D'ailleurs, note-t-il, la tuerie de Dunblane (Ecosse), où un homme a abattu 16 enfants et leur institutrice dans une école primaire avant de se donner la mort en 1996, a été perpétrée avec des armes détenues légalement.