À en juger par les objectifs ciblés, les attentats sanglants à Bombay ont ouvert un autre front de la guerre afghane: les terroristes ont trié et abattu des citoyens de pays qui participent aux frappes menées par l'OTAN en Afghanistan et à la frontière pakistanaise.

Le dernier bilan de 188 morts inclut une quarantaine de musulmans, et une trentaine d'étrangers - dont six Américains, deux Canadiens, deux Australiens, deux Français, deux Australiens, un Britannique, un Néerlandais, un Italien, un Japonais, plus neuf Israéliens, des nationalités ciblées par les terroristes.

 

Les parrains de l'opération ont du même coup rallumé la méfiance entre l'Inde et le Pakistan, qui étaient en plein rapprochement sur l'urgence de combattre les talibans et de calmer le jeu au Cachemire.

Bien que baptisés «Moudjahidine du Deccan», c'est-à-dire issus de la grande minorité musulmane de l'Inde, les 10 terroristes sont venus par mer du Pakistan. Selon Ajmal Amir Kamal, 21 ans, le seul des 10 capturé vivant, ils ont été formés dans les camps du Lashkar-e-Taiba (LeT ou Armée des purs) au Pakistan.

Complices des talibans et d'Al-Qaeda

Créé en 1991 en Afghanistan, le LeT, à la jonction des talibans et d'Al-Qaeda, a frappé au Cachemire avec des attentats dès 1993, à partir d'une base à Lahore, au Pakistan. Interdit après le 11 septembre par Washington et Islamabad, il s'est converti en organisation charitable, le Jamaat-ud-Daawa (JuD).

Le mollah Hafeez Saeed, fondateur du LeT, reste le chef du JuD, et il prêche le djihad ouvertement au Pakistan. Delhi exige «de l'action énergique» d'Islamabad, sous forme d'arrestation et d'extradition de Saeed, le suspect le plus recherché par l'Inde.

Delhi réclame aussi l'extradition de Masood Azhar, chef du Jaish-e-Mohammad (JeM ou Armée de Mahomet) formé en Afghanistan dans la même école coranique que le chef des talibans, le mollah Omar, et lui aussi ennemi des Indiens au Cachemire.

Autre suspect que l'Inde réclame: Dawood Ibrahim, un parrain de la mafia de Bombay impliqué dans les attentats massifs de 1993 qui ont fait plus de 250 morts dans la capitale économique et cinématographique de l'Inde.

L'Inde a exclu hier tout recours à la force contre le Pakistan après les attentats à Bombay, malgré les pressions de l'opposition hindouiste à l'approche des législatives. Mais elle a soumis au Pakistan une liste de 20 suspects qu'elle accuse les services pakistanais ISI de protéger, et dont elle réclame l'extradition.

Zardari-Singh: même combat

Ces extrémistes, de la mouvance puritaine wahhabite venue d'Arabie Saoudite, mènent des groupes terroristes nés dans la culture djihadiste qui s'est propagée durant la guerre des États-Unis contre l'ex-Armée rouge en Afghanistan (1979-1989).

Leurs liens au Pakistan sont avec l'armée et les ISI, dont la nouvelle coalition civile du président Asif Zardari veut réduire l'influence dans la vie du pays. Le problème taliban est une affaire à régler entre Afghans, dit-il, mais après les derniers attentats de Bombay, il a là une belle occasion de frapper ces groupes chez lui et de se rapprocher de l'Inde.

Zardari et les musulmans de l'Inde rejettent ces terroristes: le Conseil musulman de Bombay refuse que les neuf extrémistes abattus soient inhumés en Inde et veut que les corps soient rapatriés au Pakistan; Zardari, dont le gouvernement est lui-même ciblé par ces terroristes, les a qualifiés hier d'«apatrides qui prennent le monde en otage».

Une remise des suspects à l'Inde accomplirait plus d'un objectif: elle aiderait à assainir la société pakistanaise après Musharraf, et elle renforcerait la coalition laïque autour du Parti du Congrès en Inde à la veille d'élections où les intégristes hindous du BJP accuse le gouvernement de laxisme envers l'islamo-terrorisme et envers le Pakistan.

Avec Times of India, Dawn, VOA, BBC, CNN