«Il n'y a rien de plus terrifiant que de voir l'ignorance en action», a dit le comédien Tommy Smothers en acceptant son trophée aux Emmy Awards à Los Angeles, dimanche dernier.

M. Smothers n'a pas donné de nom - les organisateurs du gala ne voulaient pas de commentaires politiques sur scène. Mais pourquoi nommer quelqu'un quand tout le monde sait de qui il est question?

La poussière soulevée par la nomination de Sarah Palin est retombée aux États-Unis. Près d'un mois plus tard, les Américains n'aiment pas ce qu'ils voient. La colistière de McCain a beau attirer des foules monstres, à part la base républicaine religieuse, personne ne semble mordre à l'hameçon. Le taux de popularité du duo McCain-Palin est en chute libre dans tous les sondages nationaux depuis 10 jours.

Même les indécis semblent fuir le tandem conservateur. C'est ce qu'a découvert un quotidien de Floride, The St. Petersburg Times, qui suit un groupe baromètre d'électeurs indécis depuis le début de l'été.

La semaine dernière, le journal a été surpris de constater que la majorité des indécis interrogés se sentent insultés par la candidature de Palin.

«Je suis vraiment offensée par Sarah Palin, a dit Philinia Lehr, 37 ans, une républicaine mère de cinq enfants, et qui a appuyé Bush aux dernières élections. Selon elle, une mère de cinq enfants n'a pas de temps à consacrer à un poste aussi exigeant que celui de la vice-présidence des États-Unis. «Qu'est-ce qu'elle va dire si elle a un contretemps à cause de son nouveau-né? Excusez-moi, chère nation, je suis occupée?»

Cette semaine, Sarah Palin a écrit un nouveau chapitre de l'histoire des États-Unis: elle est la première candidate à la vice-présidence à refuser de répondre aux questions des médias.

Vous avez bien lu: près d'un mois après avoir été nommée, Mme Palin n'a pas donné une seule conférence de presse. À titre de comparaison, le colistier d'Obama, Joe Biden, en a donné plus de 50 depuis le mois d'août.

Rébellion des médias

La situation a d'ailleurs mené à une mini-rébellion, mardi: les journalistes qui suivent les déplacements de Sarah Palin ont menacé de ne rien publier ou diffuser sur elle s'ils n'avaient pas accès à ses rencontres avec des chefs d'État à New York. Les journalistes ont finalement eu droit à un accès de 29 secondes, avant de se faire ordonner de quitter les lieux.

La colère a débordé sur les ondes de CNN, où la journaliste Campbell Brown a parlé directement à la caméra pour appeler la campagne de McCain à «libérer Sarah Palin».

«Franchement, j'en ai jusque-là, a-t-elle dit. J'en ai assez du traitement sexiste réservé à Sarah Palin. La campagne de McCain nous interdit de lui poser des questions, comme si elle était une petite fleur délicate qu'il faut protéger. C'est un manque de respect envers elle. Libérez Sarah Palin des chaînes du chauvinisme. Le sexisme n'a pas sa place dans cette campagne.»

Plusieurs observateurs notent que les stratèges de McCain ont sans doute d'excellentes raisons de ne pas exposer Mme Palin aux journalistes. Celle-ci n'a apparemment pas les connaissances requises pour faire face à un questionnement soutenu.

Cette semaine, par exemple, Mme Palin continue de répéter que la proximité relative de l'Alaska avec la Russie lui donne une expérience de la politique étrangère.

«Quiconque ose souligner que cette explication n'a aucun sens est un élitiste», écrit Sam Harris dans Newsweek, dans un long article sur le nivellement par le bas chez les républicains.

Selon lui, il est scandaleux que la colistière de John McCain ait obtenu son premier passeport à vie l'an dernier.

«Ce qui m'inquiète, c'est la somme de tout ce que Mme Palin ignore: au sujet des marchés financiers, de l'environnement, du Moyen-Orient, de la guerre froide, de l'islam, des recherches médicales, etc. Son ignorance ne vient pas du fait qu'elle n'a pas eu le temps de lire le journal un matin. L'ignorance de Sarah Palin vient de la façon dont elle a passé ses 44 années sur terre», écrit-il.

Tout cela commence à ressembler à un sketch de Saturday Night Live - les rires de l'audience en moins.