Des milliers de Balinais ont manifesté mercredi leur hostilité à un projet de loi «anti-pornographie» très controversé qui veut punir les actes considérés comme «lascifs» par l'Islam mais pas par les minorités non-musulmanes du pays.

Quelque 5000 personnes, dont des artistes ou des intellectuels, ont occupé le parlement local à Denpasar, la capitale provinciale de Bali, la seule île majoritairement hindouiste dans un pays peuplé à 88% de Musulmans, a constaté un correspondant de l'AFP.

Pour l'occasion, certaines d'entre elles avaient revêtu un costume traditionnel très léger laissant deviner les formes du corps afin d'affirmer que, si le projet de loi était adopté, elles seraient passibles d'atteinte à «la moralité de la communauté».

C'est dans le but de défendre cette dernière que le projet de loi entend punir les actes ou les oeuvres (photos, peintures, littérature, films...) qui encouragent les désirs sexuels.

Le texte est actuellement débattu à Jakarta à l'initiative des musulmans conservateurs, qui profitent du ramadan pour le promouvoir. Plusieurs partis islamistes mais aussi le Golkar, la principale formation de l'archipel, ont annoncé qu'ils le voteraient, alors que s'approchent les élections législatives et présidentielles de 2009. En revanche, les autres partis laïques dénoncent la dangerosité d'un texte qui, en imposant des valeurs islamiques aux minorités non-musulmanes, diviserait la nation, une mosaïque d'ethnies aux coutumes très diverses réparties sur 6000 îles.

C'est ainsi que la charia est appliquée dans la province très musulmane d'Aceh, au nord de Sumatra, alors que la tolérance règne à Bali, où les statues sont souvent dénudées et les touristes bronzent en monokini.

«Les Balinais ont une vision différente de ce qui peut être considéré comme sexuel ou pornographique», a expliqué Wayan Sayoga, un intellectuel manifestant à Denpasar. «Pour nous, la nudité n'est pas associée à la luxure. Nous pouvons la regarder d'un point de vue esthétique».

Un manifestant a ainsi lu en public un poème balinais dans lequel était répété le mot «génital» pour démontrer que la foule conservait néanmoins son calme.

Des opposants au projet de loi ont également fait remarquer que, si le projet de loi était adopté, les prisons accueilleraient de nombreux habitants de Papouasie occidentale ne portant, comme tout vêtement, qu'un étui pénien.

Se défendant de menacer de telles traditions, les promoteurs du texte affirment lutter contre les dérives d'une société «qui perd ses repères», notamment avec l'essor d'Internet et de la télévision. Mais, pour leurs opposants, ils sont avant tout influencés par de petits groupes conservateurs très militants dont le véritable objectif est d'imposer à l'Indonésie, pays où l'islam est traditionnellement tolérant, une morale restrictive.

Fin 2006, des partis musulmans avaient déjà profité du lancement très médiatisé de la version indonésienne du magazine Playboy pour tenter de faire adopter un projet de loi anti-pornographie, mais ils s'étaient heurtés à une vive opposition.