Recteur de l'Université hébraïque de Jérusalem et historien respecté, Menahem Ben-Sasson n'avait aucune raison de vouloir se lancer en politique. Surtout pas en Israël, où l'ensemble de la classe politique, éclaboussée par une pluie de scandales, n'a jamais suscité autant de cynisme auprès de la population. «J'étais le plus cynique de tous, admet-il. Je ne voulais rien savoir.»

Il y a deux ans, M. Ben-Sasson a pourtant fait le grand saut en se ralliant au gouvernement d'Ehoud Olmert. Il s'était découvert une mission: sauver Israël d'un éventuel «chaos». Et cela n'avait rien à voir avec les roquettes du Hezbollah ou les ambitions nucléaires de l'Iran.

Pour le 60e anniversaire d'Israël, M. Ben-Sasson veut plutôt donner au pays sa toute première Constitution écrite. «Tout État a besoin d'une constitution, dit-il. En Israël, c'est urgent car la société est très divisée entre divers groupes ethniques et religieux. Si nous ne trouvons pas une solution pour réduire ces clivages, cela pourrait mener au chaos.»

Après plus de deux ans de travail, M. Ben-Sasson admet que la partie est loin d'être gagnée. «Je suis optimiste si je dis que nous avons 65% de chances de réussite.» Les obstacles sont nombreux, et apparemment insurmontables.

Pour les juifs ultra-orthodoxes, «les lois religieuses sont l'essence même d'un État juif et risquent d'être diluées dans une constitution civile», explique-t-il. De leur côté, les Arabes israéliens boycottent les discussions, rejetant la prémisse selon laquelle Israël est un État juif.

Même au sein de la majorité juive laïque, la pertinence d'une constitution est contestée. «C'est une très mauvaise idée», tranche Yehezkel Dror, président du Jewish People Policy Planning Institute. «Israël est une société en devenir. Soixante ans, ce n'est pas suffisant pour établir ce que nous sommes. Il est trop tôt pour figer les choses dans une constitution.»