Dieu-capable, 8 ans, est arrivé avec son père au centre de santé de Raboteau aux Gonaïves il y a une semaine pour y soigner une blessure à une main. Il repartira orphelin.

Le soir de son arrivée, son père a été battu à mort dans le centre de santé, qui sert aussi d'abri temporaire pour les sinistrés. Aucun médecin n'était de garde. Ce père dont personne ne connaît le nom a succombé à ses blessures au vu et au su des dizaines de patients et de sinistrés.

Une innocente victime de la grande tension chez les résidants des Gonaïves, ville de 300 000 habitants la plus dévastée par le passage de l'ouragan Hanna. «On sait seulement qu'il provenait du village de Saint-Marc. Les gens ne le connaissaient pas et l'ont pris pour un voleur», déplore le Dr Vladymir Gratia, médecin haïtien qui travaille pour Médecins sans frontière Belgique. Ces derniers ont ouvert le centre d'urgence dans un centre de santé local déjà existant quelques jours après le passage d'Hanna.

Couché dans un lit pour bébé, tellement il est petit pour ses 8 ans, Dieu-capable n'arrive pas à dire où il habitait. Sa mère est introuvable. «On le garde le temps de soigner sa plaie, mais ensuite, il faudra l'amener à l'orphelinat», se désole le Dr Gratia, en regardant l'enfant sourire dans sa couchette, un énorme pansement à la main gauche. À ses côtés, une petite valise avec des vêtements. C'est tout ce que son père lui a laissé comme indice.

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Épidémies

Depuis l'ouverture du centre d'urgence, deux médecins et trois infirmières voient en moyenne 150 patients par jour. Au début, ils traitaient des blessures liées à l'ouragan: des fractures et des plaies surtout. Mais ces derniers jours, de plus en plus d'enfants arrivent déshydratés et souffrent de diarrhée. Des adultes développent des maladies de peau et des infections respiratoires. Plusieurs résidants des Gonaïves se sont mis à porter des masques chirurgicaux. Les femmes, qui ont de l'eau parfois à la taille dans les rues de certains quartiers toujours inondés, ont des infections vaginales.

Sur le point d'accoucher, Clotide Saint-Louis a marché dans l'eau boueuse plusieurs kilomètres pour se rendre au centre de santé. Hier matin, elle nourrissait Merlinda au sein. L'ouragan lui a fait très peur, raconte-t-elle. Et encore maintenant, elle craint de ne pas retrouver sa maison à son retour. Cette dernière est construite sur le bord d'un ravin et le terrain a glissé avec toute cette pluie.

Médecins sans frontières craint les épidémies. "L'enjeu majeur aux Gonaïves actuellement est l'accès à l'eau potable et à une nourriture équilibrée. L'aide d'urgence n'atteint pas encore certains quartiers, alors les résidants boivent de l'eau contaminée", a indiqué le Dr Gratia.

Le marché public revit, ces derniers jours. Mais ce n'est pas nécessairement positif, selon l'organisation humanitaire. Les marchands écoulent des denrées qui ont été mouillées, puis séchées. La fraîcheur laisse vraiment à désirer. De plus, la disposition des corps n'est pas adéquate si l'on en croit le petit nombre de sacs mortuaires distribués (39). Le plus récent bilan fait état de 149 morts aux Gonaïves, mais personne n'ose parler d'un bilan final puisque certains quartiers sont toujours enclavés par l'eau.