L'«aide étrangère» des pays riches aux pays pauvres est un échec. Les grands pays donateurs et 70 pays bénéficiaires se sont concertés au Ghana la semaine dernière pour en accroître «l'efficacité». Mais un important rapport publié vendredi est formel: «L'aide échoue à lutter contre la pauvreté mondiale.» Elle est devenue «une source de pouvoir des donateurs dans leurs relations avec les pays en développement».

L'aide aux pays pauvres fait partie des relations internationales et des débats budgétaires des pays riches depuis les indépendances des années 60. L'idée est à revoir car, un demi-siècle plus tard, elle «aide» plus les pays donateurs eux-mêmes que les pays qu'elle est censée soulager.

Ce constat domine le Bilan de l'aide 2008, rapport annuel réalisé par plus de 160 groupes non gouvernementaux du Nord et du Sud actifs dans les domaines du développement et de la lutte contre la pauvreté.

L'Agence canadienne de développement international (ACDI), par exemple, gère un budget annuel de 4 milliards de dollars. Selon une étude de 2005, chaque dollar consacré à l'aide rapporte plus de 70 cents au Canada, et 2000 entreprises, 50 universités, 60 collèges et 36 000 emplois en dépendent.

«Le flux global de l'aide dépasse 103 milliards par an», dit Gerry Barr, président du Conseil canadien pour la coopération internationale (CCCI).

«Mais cette somme comprend les mauvaises créances effacées, qui s'étendent sur des décennies, ainsi que le coût d'installation de réfugiés et de bourses d'études dans les pays riches, par exemple, qui atteint 23 milliards. En 2007 donc, le vrai flux global totalisait 81 milliards, et non 103 milliards», souligne-t-il.

Accroître la dépendance

Il y a pire, affirme-t-il. «La pratique de lier l'aide aux achats de bien et services dans les pays riches et d'y imposer des conditions fait que moins du tiers de ces 81 milliards tombe sous le contrôle réel des pays pauvres», note Barr.

C'est dans ce contexte que 23 principaux pays donateurs ont rencontré la semaine dernière quelque 70 pays bénéficiaires à Accra, capitale du Ghana, pour continuer à définir les moyens d'améliorer «l'efficacité de l'aide».

L'exercice remonte à la déclaration de Paris, qui, en 2005, avait proposé une «architecture de l'aide» dans laquelle les ONG étaient appelées à se cantonner au simple rôle d'exécutants de projets.

«Les cris des sociétés civiles du monde entier ont eu des échos à Accra, où 1200 délégués étaient réunis, dont moi-même», a dit Barr.

«Mais les pays donateurs n'ont pas bougé sur l'aide liée et les conditions. Cela fait que cette soi-disant aide répond toujours aux priorités et aux besoins des pays riches, qui recyclent l'argent, imposent leurs propres experts et, en fin de compte, accroissent la dépendance des pays pauvres», a-t-il affirmé.

C'est un constat que partage l'Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI), qui réunit 63 ONG de développement du Québec et qui est membre du CCCI.

Le plan d'action Accra «omet plusieurs points fondamentaux», dit Brian Barton, président de l'AQOCI, qui était lui aussi dans la capitale ghanéenne. Les pays bénéficiaires n'ont pas un mot à dire sur l'aide, qui ne s'inscrit dans aucun plan de développement prévisible et qui échappe à toute transparence, a-t-il dit.

Inefficacité de l'aide

Avant même la sortie du Bilan de l'aide 2008, les médias du Sud au forum d'Accra parlaient de "l'inefficacité" (Mail and Guardian d'Afrique du Sud), de "l'échec" (Turkish Weekly) et du "business" de l'aide (Punch du Nigeria).

"Le débat mondial a atteint le point où l'on ne doit plus parler d'aide étrangère. Il faut remplacer cette expression, fausse et erronée, par l'idée de coopération pour le développement durable. Cela englobe le commerce équitable, le respect des droits de l'homme, la protection de l'environnement et l'engagement démocratique des pays et des peuples bénéficiaires", a déclaré Gerry Barr à La Presse.