«Le génocide, ça fait partie de l'histoire. Les élections, c'est le Rwanda moderne», lance un jeune habitant de Kigali après avoir voté aux législatives lundi, à quelques centaines de mètres à peine des restes de centaines de milliers de victimes des massacres de 1994.

Inauguré en 2004 sur l'une des collines de la capitale rwandaise, pour le dixième anniversaire du génocide, le mémorial national de Gisozi abrite les squelettes de quelque 250 000 personnes sur les 800 000 tuées dans ce petit pays d'Afrique centrale au printemps 1994, selon les chiffres de l'ONU.

Sur cette même colline, juste un petit peu plus haut, une université ultra-moderne, d'initiative privée, a depuis vu le jour. Pour les législatives, les deuxièmes depuis le génocide, des bureaux de vote y ont été installés.

Les électeurs de Gisozi, pour aller voter, ont donc dû pour la plupart passer à proximité de ce haut lieu de mémoire.

Mais l'endroit, malgré sa charge symbolique, ne joue aucun rôle dans le déroulement du scrutin, assure l'un des habitants du quartier, un étudiant en droit de 28 ans, Fabrice Gafunguzo.

«Le mémorial nous rappelle l'histoire, ce n'est pas un appel à nous venger. Nous avons la chance de reconstruire le pays. C'est une autre phase, c'est le Rwanda moderne», explique-t-il après avoir accompli son devoir électoral.

Devant les bâtiments modernes hauts de trois étages de l'université, deux bananiers ont été plantés, comme on le fait généralement au Rwanda sur les lieux de célébration des mariages.

À l'intérieur, le vote se déroule dans le plus grand calme, à l'image de ce que les observateurs ont constaté dans tout le pays.

Une jeune femme au tee-shirt blanc de la commission électorale organise d'impeccables files indiennes, sans que personne ne proteste ou n'essaie de dépasser.

«Nous, les jeunes, on n'a pas peur du soleil, alors on a laissé d'abord voter les vieux et les femmes», explique un garçon d'une vingtaine d'année, Elie Majyambere.

Un par un, les électeurs, dûment identifiés, se retirent quelques instants dans l'isoloir avant de glisser leur bulletin de vote dans une urne transparente. Puis ils appuient un index sur un tampon encreur, preuve qu'ils ont voté.

Donata Nyirangabikynze et Fidèle Sekamana, deux représentants des partis politiques placidement assis côte à côte dans l'une des salles de classe où se déroule le vote, n'ont «rien remarqué» d'anormal dans les opérations.

La consigne de ne pas porter de signe d'appartenance à un parti a été particulièrement bien suivie et personne ne faisait état de «briefings» d'électeurs ou de tensions à proximité des bureaux de vote.

«La démocratie, cela ne veut pas dire les troubles», a relevé après avoir voté le président rwandais Paul Kagame.

Une sérénité sans doute confortée par le fait que son parti, le Front patriotique rwandais (FPR), au pouvoir depuis la fin du génocide, était assuré de l'emporter en l'absence de réelle force d'opposition dans le pays.