Le président zimbabwéen Robert Mugabe et le leader de l'opposition Morgan Tsvangirai ont signé lundi à Harare un accord historique de gouvernement d'union, pour mettre fin à cinq mois de crise et ouvrir la voie à l'aide internationale dont le pays a désespérément besoin.

Le président Mugabe, 84 ans dont 28 au pouvoir, a été accueilli dans la matinée par les huées d'une partie de la salle, dans l'hôtel Rainbow Towers où a eu lieu la cérémonie. Son rival recevait en revanche les applaudissements d'une assistance triée sur le volet et composée en majorité de députés zimbabwéens.

Après avoir paraphé l'accord, les deux hommes se sont serrés la main sous les applaudissements. Le président Mugabe gardait le visage fermé, tandis que M. Tsvangirai affichait un large sourire.

Cet accord doit marquer la fin de la grave crise politique née de la défaite du parti au pouvoir aux élections générales du 29 mars qui a été suivie par un déchaînement de violences: le Mouvement pour le changement démocratique (MDC, opposition) a avancé les chiffres de plus de 86 morts dans ses rangs, plus de 10 000 blessés et 200 000 déplacés.

«Moi, le premier ministre du Zimbabwe appelle la Zanu-PF (au pouvoir) et le MDC à unir le Zimbabwe. Les divisions appartiennent au passé», a déclaré M. Tsvangirai avant d'appeler à «rouvrir les portes» du pays aux ONG.

«Cet accord est une promesse de douloureux compromis. La route devant nous est longue et ne sera pas facile. Tout ce que nous pouvons faire est de travailler ensemble (...) pour résoudre les problèmes (...) pour une vie meilleure sans peur, pauvreté ni répression. Cet espoir doit unir le Zimbabwe dans notre travail», a poursuivi le nouveau premier ministre.

Dans son discours, le président Mugabe s'est engagé à faire fonctionner ce gouvernement et à une nouvelle fois mis en garde contre toute interférence étrangère dans son pays.

«Soyons alliés», a-t-il lancé à l'adresse du président du MDC, qu'il a longtemps traité par le mépris. «Maintenant, nous partageons la même destinée, le temps est venu de reconnaître que nous sommes liés», a-t-il dit, après avoir remercié son homologue sud-africain Thabo Mbeki, médiateur dans ce dossier.

Ce dernier a néanmoins souligné que gouvernement d'union n'était pas finalisé lundi au moment de la cérémonie de signature, appelant les protagonistes à se mettre d'accord «le plus vite possible».

Le texte a également été signé par Arthur Mutambara, leader d'une petite faction dissidente de l'opposition.

Une dizaine de dirigeants africains, dont le président botswanais Ian Khama qui avait boycotté en août un sommet régional en raison de la participation de M. Mugabe, assistaient à la cérémonie.

Les quinze pays membres de la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC) étaient représentés.

L'accord devrait ouvrir la voie à une aide internationale massive dont le pays, enfoncé dans un marasme économique sans précédent, a un besoin urgent.

Les capitales occidentales ont commenté l'événement avec prudence. Ancienne puissance coloniale, la Grande-Bretagne s'est dite prête «sur le principe» à soutenir le nouveau gouvernement, en soulignant que l'étendue de ce soutien dépendrait de ses actions concrètes.

L'Union européenne a aussi décidé d'attendre avant de relancer son aide économique.

L'accord a été arraché jeudi par le médiateur de la SADC dans la crise née de la défaite du régime aux élections générales suivie de la réélection contestée du président Mugabe fin juin.

Selon la presse d'État, les deux dirigeants se sont mis d'accord samedi sur un gouvernement de 31 ministres, placés sous double contrôle.

Chef de l'État, M. Mugabe dirigera le gouvernement, tandis que M. Tsvangirai prendra la tête d'un Conseil des ministres restreint qui participera à l'élaboration des politiques et en surveillera la mise en oeuvre.