Un ancien officier nazi aujourd'hui nonagénaire et déjà condamné par contumace à la perpétuité en Italie a nié toute responsabilité dans un massacre de civils commis en Toscane en 1944, lundi à l'ouverture de son procès à Munich (sud de l'Allemagne).

Josef Scheungraber, 90 ans, est accusé d'avoir ordonné des représailles après un accrochage avec des partisans italiens, alors qu'il commandait une compagnie de chasseurs alpins. Quatorze civils avaient été tués le 26 juin 1944 à Falzano di Cortona.

La plupart des victimes, âgées de 16 à 74 ans, avaient été enfermées au rez-de-chaussée d'une ferme. Les portes avaient été barricadées puis l'édifice dynamité. Seul un garçon de 15 ans avait survécu.

Quatorze assassinats et une tentative ont été retenus dans l'acte d'accusation, qui souligne la barbarie du massacre.

Une poignée de manifestants s'étaient retrouvés devant le tribunal de M-nich, brandissant des panneaux dénonçant un «meurtrier de masse».

Dans le box, devant une salle d'audience comble, le vieil homme aux cheveux blancs portant une veste grise bavaroise à boutons de corne, a écouté au casque la lecture de l'acte d'accusation. Son ouïe est défaillante.

Bien que s'appuyant sur une canne il semblait en bonne santé, mais n'a pas pris la parole.

Mais «M. Scheungraber récuse dans leur totalité les reproches formulés», a affirmé son avocat Christian St-nkel. «Il nie» avoir donné ou reçu «en tant que chef de compagnie un ordre qui a abouti à ce qu'une maison soit dynamitée».

Selon Me St-nkel, son client n'était pas sur les lieux du massacre, l'accusation n'a aucun témoin «visuel ou auditif qui puisse prouver» le contraire et ne se base que «sur des présomptions».

Le tribunal espérait entendre Gino Massetti, 79 ans, le rescapé de la tuerie, mais sa venue à Munich était incertaine. Le vieil homme a expliqué dans La Presse allemande vouloir «tout simplement oublier ces moments terribles».

Certaines familles italiennes se sont portées partie civile. Elles espèrent que «64 ans après les faits», Josef Scheungraber va enfin «assumer la responsabilité de ses actes», a dit leur avocate Gabriele Heinecke.

Josef Scheungraber a déjà été condamné à la prison à perpétuité le 28 septembre 2006, par le tribunal militaire de La Spezia (nord de l'Italie).

Mais l'Allemagne, qui n'extrade pas ses ressortissants contre leur gré, n'a jamais fait appliquer cette peine.

Aussi Josef Scheungraber a-t-il poursuivi sa vie tranquille en Bavière, dans sa ville natale d'Ottobrunn, où il est devenu après la guerre une personnalité locale respectée, gérant d'une menuiserie et conseiller municipal, participant régulièrement à des commémorations avec ses frères d'armes.

Son cas n'est pas isolé. Comme lui, d'autres ex-officiers nazis coulent des jours paisibles en Allemagne malgré des condamnations prononcées à La Spezia pour des massacres de centaines de civils italiens, à Sant'Anna di Stazzema (560 tués), Falzano di Cortona ou encore Marzabotto (955 morts).

«Environ 25 criminels de guerre ont été condamnés en Italie, la plupart à la prison à vie. Nous sommes déçus que les verdicts de la justice italienne ne comptent pas. On fait comme si l'Italie était un pays en voie de développement au niveau judiciaire», a déploré auprès de l'AFP Ulrich Sander, de l'Association des victimes du nazisme/Fédération des antifascistes (VVN-BdA).

Selon cette association, l'Allemagne d'aujourd'hui «commémore volontiers les victimes des crimes nazis, mais rechigne à s'intéresser aux criminels».

Le procès de Josef Scheungraber «est peut-être -et même probablement- le dernier grand procès pour des crimes commis sous le nazisme», relevait lundi le quotidien S-ddeutsche Zeitung.

Onze audiences sont programmées jusqu'au 21 octobre, la prochaine le 29 septembre.