La vie politique française peut presque se résumer ces jours-ci à deux noms: Edvige et Dati. Car le feuilleton concernant la grossesse de Rachida Dati, ministre de la Justice et célibataire, occupe aussi opportunément les médias. Et attendrit dans les chaumières. Une façon pour l'ex-favorite de Sarkozy de faire un retour sur le devant de la scène.

C'est le monde à l'envers. Ou en tout cas un signe des temps. À une autre époque, pas si lointaine, la nouvelle aurait fait scandale et posé un problème. La ministre de la Justice, Rachida Dati, qui aura 43 ans au mois de novembre et qui n'a ni mari ni compagnon officiel, est enceinte et le fait savoir.

Sans dire pour autant qui est le père: plusieurs noms de personnalités connues circulent, mais pour l'instant personne ne semble avoir été mis dans le secret.

La jeune garde des Sceaux, première musulmane issue de l'immigration à occuper ce ministère, prestigieux entre tous, par la volonté de Nicolas Sarkozy, a bel et bien décidé de «faire un bébé toute seule», comme le dit la chanson de Jean-Jacques Goldman.

Et il n'est pas prévu pour l'instant qu'elle fasse connaître le nom du père: ce sera peut-être jamais. «J'ai une vie privée compliquée, a-t-elle déclaré sans ambages au Monde, et je ne dirai rien là-dessus.»

Une célibataire enceinte à la tête du ministère de la Justice et qui assume sa situation: loin de provoquer un malaise, l'événement est salué par les commentateurs (trices) comme un coup de maître ou en tout cas un joli coup de pub qui remet l'ex-favorite du président Sarkozy en piste, alors que son étoile semblait pâlir depuis quelques mois.

Dans le (faux) journal de Carla B., chronique fantaisiste de l'hebdomadaire satirique le Canard enchaîné, la (fausse) épouse de Sarkozy écrit: «Mauvaise semaine! Rachida Dati fait la une des magazines, sous prétexte qu'elle est enceinte. Célibataire, elle refuse même de donner le nom du père. Finement jouée... séduite et abandonnée...»

Les médias gazouillent

Dans le Journal du dimanche, la chroniqueuse Michèle Stouvenot estime elle aussi que «c'est un joli coup»: quatre couvertures de magazines en même temps. «Ce qu'en termes militaires on appellerait l'Opération-Bébé est un franc succès... les médias attendris gazouillent... c'est Rachida, libre, seule et rebelle qui fait un bébé en douce.»

Et dans Valeurs actuelles, l'une des journalistes politiques les mieux informées de Paris, Catherine Nay applaudit: «Rachida maman, le feuilleton va continuer, les premiers sourires du bébé, ses premiers pas, sa première rentrée des classes, etc. Comme le dit une de ses collègues: «Avec sa maternité, elle est sûre de rester ministre jusqu'en 2012.» Je vous le disais, une artiste!»

Issue d'une famille algéro-marocaine immigrée et pauvre, Rachida Dati, qui s'était hissée à la force du poignet dans les cercles du pouvoir et avait été finalement distinguée par Nicolas Sarkozy, est depuis ses débuts dans la vie publique une femme seule et libre. Après avoir consenti à 27 ans à un mariage arrangé par sa famille, elle s'était rapidement séparée.

Intime de Cécilia Sarkozy, Rachida faisait partie du cercle des proches du président. En août 2007, elle était la seule ministre invitée aux vacances présidentielles dans le New Hampshire. Après la séparation de Nicolas et Cécilia, on l'avait vue en robe du soir accompagner le président au dîner officiel à la Maison-Blanche à Washington en novembre 2007.

Conte de fées

Le conte de fées Dati avait d'abord séduit l'opinion française, et elle était pratiquement en tête des sondages de popularité parmi les personnalités politiques. Par la suite, sa réputation d'autoritarisme au ministère de la Justice, un goût immodéré pour le luxe, des photos en robe de grand couturier dans son bureau de la place Vendôme, avaient sensiblement écorné son image.

Et, manifestement, Sarkozy la tenait davantage à distance depuis les premiers mois de 2008. Sa réforme à la tronçonneuse de la carte judiciaire française n'avait rien arrangé.

En tant que symbole de l'ouverture en direction de l'immigration, elle était intouchable. Mais elle n'avait plus la cote. Cette grossesse audacieusement assumée change la donne.

Entre-temps, bien sûr, les spéculations continuent sur l'identité du père. On prêtait à Rachida Dati des relations avec deux grands patrons français, l'un de l'industrie, l'autre de l'hôtellerie de luxe. Le nom d'un animateur très connu de la télé, Arthur, a également circulé.

Mais ce sont les rumeurs concernant l'ancien premier ministre espagnol José Maria Aznar qui ont évidemment le plus attiré l'attention. D'autant plus que Dati et Aznar auraient bel et bien dîné en tête à tête à Paris, le 17 décembre dernier. La rumeur a en tout cas suffisamment tourné sur l'Internet après avoir été lancée par le site d'un journal marocain, pour que celui que Michèle Stouvenot qualifie de «Droopy moustachu» se sente obligé de faire savoir par communiqué qu'il n'était en rien responsable de «l'état» de «Mme Dati».

La suite au prochain numéro.