Sept ans après le 11 septembre, le ton monte entre Washington et le Pakistan, les États-Unis menaçant d'y intensifier leurs opérations depuis l'Afghanistan pour éradiquer les sanctuaires des talibans et d'Al-Qaeda, Islamabad jurant de s'y opposer «à n'importe quel prix».

Avec des dizaines de milliers de ses soldats empêtrés dans une guerre qui s'intensifie en Afghanistan contre les talibans, le chef d'état-major de l'armée américaine, l'amiral Michael Mullen, a annoncé mercredi avoir ordonné une nouvelle stratégie militaire prenant en compte «les deux côtés de la frontière».

Au même moment, son homologue pakistanais, le général Ashfaq Kayani, jurait que son armée ne tolérerait plus les raids terrestres et les nombreux tirs de missiles américains qui n'épargnent pas les civils dans les zones tribales pakistanaises, frontalières de l'Afghanistan.

Washington est convaincu que les talibans et Al-Qaeda ont reconstitué leurs forces dans ces régions, pour s'attaquer aux troupes étrangères en Afghanistan et préparer des attentats dans les pays occidentaux.

Les spécialistes d'Al-Qaeda reconnaissent unanimement que le nord-ouest du Pakistan est devenu «le nouveau front de la guerre contre le terrorisme».

Le New York Times assurait d'ailleurs jeudi que le président George W. Bush avait autorisé secrètement en juillet les forces spéciales américaines à mener des raids terrestres dans le nord-ouest du Pakistan, sans l'approbation préalable d'Islamabad.

C'est d'ailleurs ce qui s'est passé à l'aube du 3 septembre, quand des hélicoptères de combat américains et, probablement des soldats au sol, ont attaqué un village pakistanais, tuant, selon Islamabad, 15 civils, dont des femmes et des enfants.

Les plus hautes autorités pakistanaises avaient fermement protesté contre cette première opération militaire américaine au sol, connue du moins, puisque de hauts responsables pakistanais reconnaissent qu'il y a eu des précédents depuis 2002, sans qu'Islamabad n'en dise un mot.

Pire, ces dernières semaines, les tirs de missiles par des drones américains s'abattent quasi-quotidiennement sur des maisons dans les zones tribales pakistanaises, tuant des combattants d'Al-Qaeda ou des talibans, mais aussi des civils.

Washington estime qu'Islamabad ne fournit pas assez d'efforts dans le cadre de sa «guerre contre le terrorisme».

Mais la République Islamique du Pakistan, seule puissance nucléaire militaire du monde musulman, a déjà payé un très lourd tribut à cette lutte, avec plus d'un millier de soldats tués dans les zones tribales depuis 2002 et, surtout, plus de 1.200 morts dans une campagne sans précédent d'attentats suicide depuis plus d'un an.

Oussama ben Laden en personne -dont Washington pense qu'il se terre dans les zones montagneuses du nord-ouest- avait décrété il y a un an le jihad à Islamabad, le «chien de Bush» selon lui.

«La souveraineté et l'intégrité territoriale du pays seront défendues à n'importe quel prix et aucune force étrangère ne sera autorisée à conduire des opérations à l'intérieur du Pakistan», a assuré mercredi le général Kayani.

«Jusqu'à ce que nous collaborions de manière plus approfondie avec le gouvernement du Pakistan pour éliminer ces sanctuaires, l'ennemi continuera de venir» du Pakistan, a rétorqué l'amiral Mullen, en annonçant avoir demandé à ses troupes d'élaborer une «nouvelle stratégie militaire plus globale qui couvre les deux côtés de la frontière».

Certains éditorialistes pakistanais suggéraient jeudi que les propos publics vindicatifs du général Kayani venaient une semaine après le raid américain et deux semaines après une énigmatique rencontre avec l'amiral Mullen sur un porte-avion américain.

Pour eux, Islamabad tente de ménager la chèvre et le chou, entre la nécessité de satisfaire les exigences de son principal bailleur de fonds américain et l'agacement des 168 millions de Pakistanais, chez qui l'anti-américanisme progresse depuis un an de manière spectaculaire.