Coup de théâtre en Thaïlande: le premier ministre Samak Sundaravej, déjà malmené par des opposants qui occupent le siège du gouvernement depuis deux semaines, a été forcé mardi de démissionner par la Cour constitutionnelle pour avoir accepté de l'argent d'une entreprise privée.

M. Samak, 73 ans, au pouvoir depuis à peine sept mois, a été reconnu coupable d'avoir touché des sommes d'une maison de production, Face Media, qui réalisait pour la télévision deux émissions culinaires («Dégustation et Ronchonnement» et «Tous à table à 6h00»), dont la vedette n'était autre que le premier ministre, connu pour être un passionné de cuisine.

«La Cour constitutionnelle a jugé à l'unanimité que le premier ministre Samak Sundaravej avait violé l'article 167 de la Constitution. C'est pourquoi ses fonctions ministérielles cessent», indique le verdict, ajoutant: «comme le statut ministériel de M. Samak n'est plus, l'ensemble de son gouvernement doit partir».

La Cour a précisé que les activités gouvernementales se limiteraient à la gestion des affaires courantes jusqu'à l'élection d'un nouveau premier ministre par le Parlement d'ici 30 jours.

Pour sa défense, M. Samak a dit qu'il n'avait accepté de l'argent de Face Media que pour acheter des ingrédients de cuisine.

La décision de la justice a été saluée par des hourras au siège du gouvernement où campent depuis le 26 août des milliers de manifestants qui exigeaient justement le départ de M. Samak.

Le verdict de la Cour constitutionnelle ne met pas fin pour autant à l'inextricable crise politique en Thaïlande, le Parti du pouvoir du peuple (PPP) de M. Samak ayant juré de le réélire à son poste dans les prochains jours.

La coalition de six partis, dirigée par le PPP, contrôle près des deux-tiers des sièges à la chambre basse du Parlement et, en dépit de la décision de justice de mardi, M. Samak peut être candidat à sa succession.

«Le PPP proposera le nom de Samak comme premier ministre, étant donné qu'il est le dirigeant du parti, que l'infraction était insignifiante et qu'elle n'était pas le résultat d'une mauvaise gestion», a déclaré à l'AFP un haut responsable du parti, Witthaya Buranasiri.

«L'élection d'un nouveau premier ministre pourrait avoir lieu avant la fin de la semaine, de sorte qu'il n'y ait pas vacance du pouvoir», a-t-il ajouté.

Les opposants qui campent devant les bureaux de M. Samak sont restés tout aussi fermes.

«Si Samak est de nouveau premier ministre, nous resterons ici jusqu'à ce qu'il parte à la retraite», a lancé Somsak Kosaisuk, un des leaders des manifestants.

Les protestataires accusent M. Samak d'être une «marionnette» de l'ancien homme fort de la Thaïlande, Thaksin Shinawatra, renversé par un coup d'État militaire en septembre 2006 et qui s'est exilé en Grande-Bretagne après des accusations de corruption.

M. Samak était devenu premier ministre en février dernier à la suite des premières élections législatives depuis le putsch d'il y a deux ans.

Le 2 septembre, M. Samak avait proclamé l'état d'urgence à Bangkok après des affrontements entre partisans et adversaires du gouvernement, qui avaient fait un mort et 43 blessés non loin de ses bureaux. L'armée avait ensuite refusé d'intervenir pour mettre fin à la crise.

Mardi, quelques heures avant le verdict de la Cour constitutionnelle, le premier ministre avait présidé la réunion hebdomadaire de son gouvernement à Udon Thani (nord-est de la Thaïlande), région où le PPP compte encore de nombreux partisans.