Sarah Palin a fait une entrée fracassante sur la scène politique américaine, revigorant un parti républicain démoralisé et donnant des sueurs froides aux démocrates. Mais la candidate républicaine à la vice-présidence peut-elle amener les indécis à élire John McCain président?

Choisie comme colistière par John McCain il y a un peu plus d'une semaine, la première femme à gouverner l'Alaska a depuis totalement séduit la base du parti républicain. Une base qui retrouve ses racines conservatrices dans cette jeune mère de cinq enfants opposée corps et âme à l'avortement, qui aime chasser et défend farouchement le port d'arme et les valeurs de l'Amérique des petites villes.

M. McCain espère ainsi mobiliser l'aile la plus conservatrice du parti et la droite chrétienne --qui ne l'a jamais porté dans son coeur-- pour conquérir la Maison Blanche, alors que la bataille s'annonce serrée contre son adversaire démocrate Barack Obama.

Mais les analystes s'interrogent sur l'effet que peut avoir la rugueuse rhétorique de Mme Palin sur les électeurs encore indécis, ceux qui pourraient bien faire la différence le 4 novembre.

John McCain «fait ce que tout politicien appartenant à un grand parti doit faire, d'abord s'assurer que sa base est solide et ensuite tenter de conquérir ceux qui, pour une raison ou une autre, hésitent», explique Stephen Hess, de la Brookings Institution, un prestigieux centre de réflexion américain.

En choisissant Palin, John McCain «semble avoir voulu pousser la base à venir voter», souligne Dan Shea, professeur de sciences politiques à l'université d'Allegheny.

Le «ticket républicain» a par ailleurs recentré son discours en se présentant comme des candidats qui savent voir au-delà des clivages partisans et qui n'ont jamais hésité à affronter les pouvoirs quels qu'ils soient.

Sarah Palin pourrait avoir un impact important dans des Etats comme l'Ohio ou la Pennsylvanie, très partagés. Quelques milliers de votes de chrétiens évangéliques pourraient alors s'avérer décisifs.

Elle va aussi tenter de séduire les cols bleus et les femmes dont les rêves ont été brisés quand Obama a battu Hillary Clinton durant les primaires, en leur affirmant: «je suis comme vous», une maman qui travaille et emmène ses enfants au hockey.

Un discours qui peut séduire les supporters de Hillary Clinton, plus jeunes et appartenant à la classe ouvrière, qui ne se sentent pas en phase avec les grandes idées et les discours finement ciselés de Barack Obama.

«C'est le groupe à surveiller», affirme Dante Scala, spécialiste des sciences politiques à l'Université du New Hampshire.

«Il pourrait être plus facilement convaincu, comparer Sarah Palin et Barack Obama et se dire 'qui comprend le mieux ma situation ?»

En revanche, le conservatisme militant de Mme Palin devrait déplaire aux femmes ayant la quarantaine, diplômées universitaires qui avaient été séduites par Hillary, et sont en général favorables au droit à l'avortement.

Selon l'institut de sondage Gallup, un électeur sur cinq est encore indécis, bien moins qu'avant les conventions des deux partis, ce qui semble suggérer que ceux qui restent sont pour la plupart des modérés ou des indépendants.

Mais, masqué par l'effet Palin, la question reste: un candidat à la vice-présidence peut-il réellement faire pencher la balance électorale?

«L'Amérique élit un président, pas un vice-président», affirme Stephen Hess.

Un sondage ABC semble lui donner raison. La majorité des personnes interrogées affirme que le colistier ne jouera aucun rôle dans leur décision.