Le réputé politologue américain Larry Sabato a reçu hier un courriel du porte-parole d'un gouverneur républicain «très conservateur». Le ton du message était résolument pessimiste.

Ce partisan de John McCain se disait profondément déçu de la tournure prise par la convention républicaine, qui se déroule depuis lundi à Saint Paul. Le but d'un tel événement, rappelons-le, est de présenter un candidat à la présidence sous son meilleur jour.

«Ça avait davantage l'air d'une rencontre annuelle des anciens combattants qui se sont battus à l'étranger que d'une convention», a écrit le porte-parole. Il avait regardé les discours des politiciens républicains mardi soir à la télé. Comme des millions d'autres Américains.

M. Sabato a révélé la teneur de ce courriel hier matin au cours d'un débat organisé par l'Université du Minnesota. Il a ajouté qu'à son avis, les démocrates semblaient beaucoup plus énergiques à Denver, lors de leur propre convention.

Ce n'était pas une illusion. En fait, dans l'enceinte du Xcel Energy Center de Saint Paul, les différences sautent aux yeux.

John McCain vient de célébrer son 72e anniversaire et bon nombre de ses partisans réunis au Minnesota semblent sortis tout droit d'un club de l'âge d'or.

À Denver, la semaine dernière, on avait l'impression d'assister à un concert rock. Les participants à la convention démocrate étaient plus jeunes et d'origines plus diverses que le sont les républicains.

Au jeu des comparaisons, les républicains sont perdants sur presque toute la ligne.

> À Denver, on croisait de nombreux jeunes qui louaient des vélos aux participants.

> À Saint Paul, on n'a vu aucun vélo. Mais de nombreux participants se déplacent à l'aide de fauteuils roulants électriques et de déambulateurs.

> À Denver, on distribuait des condoms sur le site de la convention.

> À Saint Paul, une telle initiative ne serait certes pas la bienvenue. Mais si on offrait gratuitement des comprimés de Viagra, on trouverait certes preneur.

> À Denver, c'était la cohue. Tout particulièrement dans le stade où Barack Obama a prononcé son discours. Les quelque 80 000 billets disponibles pour cet événement se sont envolés à la vitesse de l'éclair.

> À Saint Paul, les sièges vides sont nombreux. On n'a généralement aucun mal à trouver une place de choix. Alors que j'écris ces lignes, j'ai une vue imprenable sur la scène. L'usure du pouvoir, on la sent donc aussi dans les gradins.

> À Denver, le mot «changement» excitait les participants. Ils se mettaient à huer lorsqu'on leur expliquait que voter pour McCain, c'était comme offrir un troisième mandat à George W. Bush.

> À Saint Paul, le mot «forage» donne des frissons aux participants. Ils se mettent à hurler d'enthousiasme lorsqu'un politicien l'utilise ou prononce le mot «Amérique».

> À Denver, un vétéran démocrate du Sénat, Ted Kennedy, s'est présenté sur scène pour passer le flambeau à Barack Obama.

> À Saint Paul, un vétéran républicain du Sénat se présentera sur scène aujourd'hui pour accepter d'être le candidat de son parti à la présidence. Il y a bien sûr des orateurs solides à Saint Paul, tout comme à Denver. Et certains discours sont substantiels. Mais on sent que John McCain est encore loin de déchaîner les passions.

Même George W. Bush en 2004 avait suscité plus de ferveur chez les délégués, alors réunis à New York.

Preuve tangible du peu d'engouement pour John McCain: les vendeurs ambulants proposent ici des macarons à son effigie pour 2$. Et leurs ventes n'ont pas l'air de décoller. Au Colorado, les macarons Obama coûtaient 5$. On se les arrachait.

Attention, l'impact d'une convention sur l'élection présidentielle est difficile à évaluer. Il reste encore deux mois et plusieurs débats d'ici le jour du vote. Et les «anciens combattants» ont souvent plus d'un tour dans leur sac.

Mais l'histoire a démontré qu'ils peuvent aussi baisser la garde et être vaincus. On n'a qu'à remonter à 1996. Bill Clinton avait alors battu un Bob Dole maintes fois décoré pour ses exploits militaires, mais fort peu inspirant.

Ironie du sort, quelques années plus tard, Bob Dole décidait d'arrondir ses fins de mois en faisait de la pub pour Viagra.