Elle a affronté Katrina, Andrew, même Betsy dans les années 60, mais Cynthia Turner n'avait jamais rien vu comme Gustav. L'oeil de l'ouragan, qui a passé juste à l'ouest de La Nouvelle-Orléans, a fondu sur son terrain au coeur du bayou.

«Ça soufflait si fort qu'on aurait dit un train. Puis tout à coup, quelque chose a craqué. Quelques secondes plus tard, il y a eu un bruit métallique épouvantable.»

Cynthia Turner et son mari construisent une maison neuve. Entre-temps, ils logent dans une maison usinée, montée quelques mètres plus loin. Le vent a arraché le matériel isolant de leur future demeure. Au même moment, un arbre centenaire s'est cassé comme une allumette, enfonçant le toit de l'abri temporaire de Mme Turner.

Le terrain ressemble à une coupe à blanc. Il y a des branches partout. Par une chaleur suffocante, la femme de 48 ans les ramasse et les entasse au bord de la route. Lorsque La Presse l'a croisée hier, elle se demandait comment payer les dommages: elle n'est pas assurée. «Depuis Katrina, les assurances coûtent plus cher et c'est beaucoup plus difficile d'obtenir une police», soupire-t-elle.

Raceland, «Capitale mondiale de la sauce piquante», selon un panneau municipal, ressemble à tout sauf à une piste de course. La route est jonchée de tôle, les poteaux électriques sont penchés au dessus du pavé, les cannes à sucre qui poussent dans les plantations sont aplaties au sol. Une vieille demeure a littéralement volé en éclats. De la route, on peut apercevoir le sofa et le lit parmi les décombres.

Privées d'électricité

Comme dans le reste de l'État, les maisons sont privées de courant. Des policiers ont érigé des barrages à l'entrée du secteur. Seuls les travailleurs affectés à la reconstruction sont autorisés à passer. Les résidants qui ont fui l'ouragan ne pourront rentrer chez eux avant cet après-midi.

Pour ceux qui sont restés, le grand ménage commence. Armé de sa tronçonneuse, Dicky Breaux émonde l'un des trois arbres qui sont tombés à quelques mètres du domicile de sa mère. Par miracle, la petite Maison-Blanche est restée intacte. C'est peut-être pour cela que l'homme garde le moral. «C'est chez moi ici, je ne voudrais jamais vivre ailleurs.»

Trente kilomètres à l'ouest, dans la petite ville de Houma, des soldats de la garde civile patrouillent les rares rues encore praticables. Des fils électriques pendent de partout. Deux stations-service ont été écrasées dans un amas de métal. Cette ville et Morgan City ont été les plus durement touchées par Gustav. Les autorités estiment qu'au moins le tiers des propriétés ont été endommagées. Tim et Belinda Dossett sont parmi les rares habitants à s'être barricadés chez eux pendant la tempête. Les pointes de vent de plus de 200 km/h ont propulsé une immense branche sur le trottoir devant leur domicile. Un arbre de 15 mètres de haut est tombé sur le côté de leur petite maison, fracassant la vitre de leur salon.

Mais les dommages matériels n'inquiètent pas le couple outre mesure. Ce qui les préoccupe, c'est la nourriture. Victimes d'un accident de la route l'an dernier, ils n'avaient pas les moyens de s'acheter une génératrice. Ils ont assez de conserves pour survivre deux jours. Après cela, ils compteront sur la charité de leurs voisins et sur les vivres distribués par l'armée.

«Dans les situations comme celles-ci, le voisinage se rapproche beaucoup, confie Belinda. Tout le monde aide son prochain.»