Les relations entre la Suisse et Tripoli vont pouvoir s'apaiser après un mois et demi de tension: deux anciens domestiques d'Hannibal Kadhafi ont retiré leur plainte contre le fils du leader libyen, ouvrant la voie à l'abandon des poursuites judiciaires à Genève.

Les deux anciens domestiques - une Tunisienne et un Marocain - ont retiré leur plainte pour violences qui avait motivé l'arrestation et l'inculpation en juillet à Genève d'Hannibal Kadhafi et de son épouse Aline, mettant la Libye en furie.

Les plaignants ont été «correctement indemnisés. Ils sont reconnus comme victimes et leurs souffrances ont été prises en compte», s'est félicité mardi leur avocat genevois Me François Membrez. Ils ont obtenu également un permis de séjour en Suisse «à titre humanitaire».

La plainte a été retirée «en fin de semaine dernière», a précisé le juge d'instruction chargé du dossier, Michel Graber, qui a personnellement entendu les deux anciens domestiques pour s'assurer qu'ils prenaient cette décision «de manière libre et réfléchie».

Hannibal Kadhafi et son épouse Aline - qui nient les accusations de leurs deux domestiques - avaient été arrêtés le 15 juillet dans un hôtel de Genève. Le couple avait été libéré après deux jours de détention et le versement d'une caution d'un demi-million de francs suisses (312.500 euros).

Une crise s'était alors ouverte avec Tripoli, qui exigeait des «excuses» et l'arrêt des poursuites.

En mesure de représailles, deux citoyens suisses avaient été arrêtés à Tripoli. Libérés après une dizaine de jours, il leur avait été interdit de quitter le territoire libyen. Les bureaux du groupe d'ingénierie helvético-suédois ABB et du groupe agro-alimentaire suisse Nestlé avaient aussi été fermés.

En revanche, la menace un moment brandie de cesser les livraisons de pétrole à destination de la Suisse n'avait pas été mise à exécution.

Les diplomates suisses qui avaient entrepris de renouer le dialogue avec Tripoli ont été obligés de faire un cours à leurs interlocuteurs libyens sur la séparation des pouvoirs et l'indépendance de la justice.

Le procureur général de Genève Daniel Zappelli avait en effet exclu «tout classement du dossier pour motifs politiques»: seul un retrait de la plainte rendait possible un arrêt de la procédure, avait-il averti.

Le ministère suisse des Affaires étrangères a indiqué à l'AFP avoir «pris acte du retrait de la plainte». «L'affaire est traitée par les autorités judiciaires genevoises», a ajouté un porte-parole du ministère.

Le dossier va en effet maintenant être transmis au procureur général qui doit décider de la suite.

Sur les trois infractions reprochées au couple Kadhafi, deux sont poursuivies sur plainte (lésions corporelles simples et menaces), a expliqué le juge d'instruction à l'agence de presse suisse ATS. Le troisième grief (contrainte) est poursuivi d'office, mais il est possible de considérer les trois inculpations comme un tout, a précisé le magistrat.

Les pourparlers pour un retrait de la plainte achoppaient jusqu'à présent sur ce que l'avocat des plaignants a qualifié de «prises d'otages»: la mère du domestique marocain avait en effet été arrêtée en Libye, puis finalement libérée et autorisée à rentrer au Maroc.

En revanche, selon Me Membrez, le plaignant marocain est «toujours sans nouvelles» de son frère, disparu en Libye.

À son sujet, les deux anciens domestiques ont finalement «choisi de s'en remettre aux Nations Unies, représentées par le Haut commissariat aux droits de l'Homme à Genève, devant lequel une procédure en disparition forcée a été initiée», a indiqué l'avocat.