Les partisans d'un siège unique du Parlement européen donnent à nouveau de la voix après le transfert cette semaine de la session de rentrée de la vénérable institution à Bruxelles, à la suite de l'effondrement de faux plafonds durant l'été dans l'hémicycle strasbourgeois.

«Je relève qu'il faut que le ciel leur tombe sur la tête pour que les Gaulois, en l'occurence la présidence française de l'UE, acceptent que le Parlement européen siège à Bruxelles», s'est amusé mardi le président du groupe libéral, le Britannique Graham Watson.

La catastrophe a été évitée de justesse quand, le 7 août, dans un hémicycle déserté à Strasbourg pour cause de pause estivale, dix tonnes de faux plafonds sont tombées d'une vingtaine de mètres de haut, à la suite d'une rupture surprise de leur système d'attache.

Certes, les dégâts ont été réparés en un temps record, avec pour objectif d'organiser à Strasbourg la prochaine session dès le 22 septembre. Mais d'aucuns n'ont pas hésité à tirer des conséquences politiques de l'incident.

L'eurosceptique britannique Nigel Farage et une dizaine de ses collègues se sont présentés à la session, équipés de casques de chantiers.

«Je ne dirais pas qu'il y a eu une conspiration pour éliminer les euro-critiques de ce Parlement, mais la question mérite d'être posée», a plaisanté M. Farage. Les gravats s'étaient en effet principalement abattus sur les sièges de l'extrême-droite et des souverainistes.

«Cette semaine, nous évitons Strasbourg pour la toute première fois, mais nous espérons tous que ce ne sera pas la dernière fois qu'on nous épargne cette comédie inutile et dispendieuse» des allers-retours entre Strasbourg et Bruxelles, s'est réjoui le conservateur britannique Philipp Bushill-Matthews.

Pour les co-présidents du groupe des Verts, Monica Frassoni et Daniel Cohn-Bendit, le moment est venu pour que «le Parlement discute publiquement de son siège».

Le traité européen, qui ne peut être modifié qu'à l'unanimité des États membres, fixe officiellement le siège du Parlement européen à Strasbourg mais prévoit deux lieux de travail, Strasbourg et Bruxelles, où les eurodéputés passent de fait le plus clair de leur temps. De manière récurrente, le débat sur l'opportunité de concentrer les débats à Bruxelles revient sur le tapis, en dépit de l'opposition régulièrement réaffirmée de la France.

Les anti-Strasbourg ont déjà rassemblé 1,2 millions de signatures avec une pétition en faveur d'un siège unique, une idée soutenue par 81% des eurodéputés selon un récent sondage.

Ils avancent entre autres arguments les quelques 20 000 tonnes de CO2 annuelles et les 200 millions d'euros annuels que coûtent les allers-retours des 785 eurodéputés et 3000 assistants, interprètes et fonctionnaires.

Strasbourg pourrait obtenir en compensation une grande université européenne, proposent les Verts.

Le libéral britannique Chris Davies a une autre idée: les douze sessions annuelles pourraient être organisées le même jour à Strasbourg. «Il suffit d'ouvrir toutes les heures une nouvelle session, pour que les exigences des traitées soient remplies».

Des «idées tordues», selon le social-démocrate allemand Jo Leinen, même s'il estime un débat de fond nécessaire. Quant au président du plus grand groupe politique du Parlement, le conservateur français Joseph Daul, il ne veut pas en entendre parler.

Placer la question du siège du Parlement européen à l'ordre du jour des débats entre les chefs d'État et de gouvernement des 27 «a déjà été demandé. Cela n'a pas été mis à l'ordre du jour. On peut leur redemander, mais ce n'est pas à nous d'en décider», estime-t-il.