Assis près de son petit étalage où s'alignent des lanternes en plastique, Am Ahmed, au sourire édenté, attend patiemment le chaland en ce début de ramadan qui s'annonce, cette année, maussade en Égypte.

«Ce n'est plus comme avant, il y a beaucoup moins de clients. Avant, les gens achetaient sans compter. Maintenant, ils font attention», regrette Am Ahmed.

Dans cette rue commerçante de Sayyeda Zeinab, un quartier populaire du Caire, les marchandises ne manquent pas, pourtant: dattes, noix, raisins secs et les fameuses fanous (lanternes) traditionnelles sont bien là et en quantité. C'est le client qui fait défaut.

L'Égypte a enregistré un nouveau record d'inflation de 23,1% sur un an et la hausse de prix dépasse parfois 70% pour certains produits alimentaires.

«Les prix ont augmenté de 50% depuis l'année dernière. Le ramadan est supposé être un mois joyeux, mais cette année tout est trop cher. Les gens n'en peuvent plus», s'insurge Zeinab, dont l'échoppe semble pourtant plus fréquentée que d'autres.

Les clients achètent en plus petites quantités «parce qu'ils sont bien obligés pour inviter la famille», explique-t-elle.

Les coutumes liées au ramadan veulent que pendant ce mois sacré, on invite la famille et les amis pour partager l'iftar, le repas de rupture du jeûne.

«C'est n'importe quoi. Cela ne peut plus durer. La pression est trop forte. Pour moi, le ramadan est devenu un fardeau. J'essaye d'être content mais le coeur n'y est pas», déplore Hassan, un ingénieur de 30 ans, père de famille.

Les dattes séchées, fruit particulièrement prisé par les musulmans lors du ramadan car, selon la tradition, le prophète Mahomet rompait son jeûne avec quelques dattes et un peu de lait, sont hors de prix.

«Les dattes sont très chères cette année parce que la récolte n'a pas encore été faite. Elles ont augmenté de 25%», lance un marchand sur un ton désespéré.

Des raisins secs à 21 livres égyptiennes (environ 3 euros) le kilo, des dattes dont le prix varie entre 5 et 8 livres (1 euro), de la poudre de noix de coco à 18 livres (2 euros): le total des achats revient trop cher pour l'Égyptien moyen dans un pays où près de 20% de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté.

L'Égypte a connu une année particulièrement tendue sur le plan social, avec des manifestations à répétition contre la cherté de la vie, des grèves et des émeutes.

La plus importante a été celle de la cité industrielle de Mahallah, dans le delta du Nil (nord), où des milliers de manifestants se sont heurtés en avril à la police. Des dizaines de personnes ont été blessées et au moins 300 arrêtées.

Mais, selon Diaa Rachwan, du Centre des études politiques et stratégiques d'Al-Ahram, le risque de troubles sociaux diminue fortement pendant le ramadan.

«Les troubles sociaux ne se déroulent jamais pendant le ramadan. Les gens se retiennent et patientent parce que cela fait partie de leurs croyances les plus profondément ancrées», estime-t-il.

Point de troubles sociaux donc, mais une atmosphère morose pour les clients autant que pour les commerçants, les frais de rentrée scolaire venant s'ajouter aux dépenses.

Am Ahmed, lui, attend toujours un hypothétique client. «Si au moins je pouvais vendre deux lanternes, à une livre chacune (quelques centimes d'euros), je pourrais acheter à dîner à ma famille».