Des centaines de personnes en colère ont manifesté lundi en Ingouchie à l'occasion des funérailles de Magomed Ievloïev, fondateur d'un site web d'informations indépendantes et détracteur du gouvernement, abattu par la police, ont rapporté des témoins.

Selon ses collègues, Ievloïev avait été interpellé par les forces du ministère de l'Intérieur à l'aéroport de Nazran, en Ingouchie. Il a peu après été retrouvé sur le bord d'une route avec une blessure par balles à la tête et est décédé pendant son opération, selon Reporters sans Frontières (RSF).

Selon l'agence russe Interfax, le procureur régional Iouri Tourygine a expliqué qu'il s'agissait d'un «accident», au cours d'une bagarre avec un policier alors que le journaliste essayait de lui prendre son arme.

Une version rejetée par les collègues du défunt et les militants des droits de l'homme. Selon le militant Magomed Moutsolgov, il a été tué «délibérement et cyniquement» par les autorités ingouches à cause des informations sur son site, ingushetiya.ru, qui faisait régulièrement état de violations des droits de l'homme, enlèvements et assassinats dans cette république du Caucase-Nord.

Kaloi Akhilgov, l'avocat du journaliste, a déclaré à Interfax qu'il avait été abattu d'une balle tirée à bout portant.

Le Centre Memorial pour les Droits de l'homme, basé à Moscou, a évoqué un «meurtre» et «un nouvel acte de terreur d'État».

Selon Moutsolgov, au moins 1200 personnes assistaient aux funérailles du journaliste près de Nazran, brandissant des pancartes réclamant la démission du président de la république d'Ingouchie Mourat Ziazikov, un ancien du KGB, ainsi qu'une enquête impartiale sur la mort de Ievloïev.

En juin, le site Ingushetiya.ru avait été fermé par la justice russe, qui lui reprochait des articles considérés «extrémistes», mais le site est réapparu sur le Web sous un autre nom.

«C'était la seule source d'informations sur les meurtres et autres exactions des autorités ici», ajoute Moutsolgov.

Selon RSF, qui estime que «les explications des autorités ingouches ne tiennent pas debout», le journaliste était «sérieusement menacé», ainsi que sa famille. Et en août, la rédactrice en chef du site, Rosa Malsagova, avait quitté la Russie pour demander l'asile politique en Europe, ajoute l'organisation de défense de la liberté de la presse.

En juin, Human Rights Watch avait accusé les forces russes de violations des droits de l'homme à grande échelle en Ingouchie, faisant état de détentions arbitraires, torture, disparitions forcées et exécutions extra-judiciaires documentées. L'ONG ajoutait que les musulmans et les opposants y étaient persécutés et la presse indépendante muselée, avant d'avertir que ces méthodes de «guerre sale» risquaient de déstabiliser encore plus la situation dans la région.

L'Ingouchie est la plus petite des républiques du Caucase-Nord. Mitoyenne de la Tchétchénie alors que les deux peuples sont très proches, par la langue notamment, elle a accueilli des dizaines de milliers de réfugiés du conflit tchétchène.